Je vous propose quelque chose, un pari : que ce livre soit une plongée dans ma nuit pour, peut-être, dans l’écriture, par l’écriture, retrouver une lumière. Pouvoir écrire à nouveau. C’est le seul livre possible aujourd’hui. Le seul livre possible parce que précisément impossible. C’est sans doute un projet périlleux, effrayant, mais je n’ai pas d’autre désir. Seulement celui-ci, immense.
En août 2012, quelques mois après la parution de son roman La confusion des peines, Michèle Gazier et Marie-Claude Char proposent à Laurence Tardieu d’écrire un texte pour la maison d’édition qu’elles ont fondée, et qui se propose de « publier des écrivains reconnus à qui elles demandent de faire un pas de côté. D‘écrire en marge de leur oeuvre, un texte court — récit, essai, nouvelle, lettres… — qui sera, selon leur cœur, une fantaisie, un coin de leur jardin secret, un voyage inattendu dans leur imaginaire« .
Ce qu’elles ne savent pas, c’est que Laurence n’a pas écrit une ligne depuis vingt-et-un mois. Elle ne peut plus. Et pourtant, elle accepte, et commence un journal, le texte que nous lisons, et qui sera un journal de quête de soi et de reconquête des mots.
Et ces mots, ils ne peuvent que bouleverser tous ceux qui se sont un jour trouvés sur le difficile chemin de l’écriture. Les autres aussi, sans doute. A la fois lumineux et douloureux cheminement personnel, le texte nous dit ce que c’est que l’écriture, et les phrases résonnent comme des bols tibétains dans la conscience.
On a envie de tout noter, pour y revenir plus tard. Tout noter pour pouvoir méditer à l’envi ces paroles d’une force rare.
Ce texte nous dit l’expérience de l’écriture qui nous transporte au-delà et nous révèle à nous-même, nous pousse dans nos retranchements, nous expulse de notre zone de confort — car l’écriture est mise en danger intime. L’écriture, expérience qui nous transforme. L’écriture qui est une plongée en soi et un arrachement, un combat.
L’écriture, c’est la vie.
Il y a quelque chose de proustien dans ce texte sublime, dans cette conception de l’écriture comme quête de son être intime et de sa vérité intérieure, qui a être écartelé entre la personne sociale et l’écrivain. Mais écrivain n’est pas un rôle, c’est une essence, c’est un être.
L’écrivain est donc écartelé, dans son rapport aux autres, mais il est pourtant toujours la même personne révélée par l’écriture et la langue, vérités premières. Car c’est bien cela qui est au cœur du texte : la vérité, au-delà de la stricte opposition entre le réel et la fiction.
Dans ce questionnement perpétuel, l’écriture est reconquise. La narratrice avance, et le lecteur avec elle.
L’écriture et la vie (lien affilié)
Laurence TARDIEU
Editions des Busclats, 2013









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