Mon problème avec Yann Moix, c’est que lorsque je le vois (et en ce moment, c’est souvent), j’ai envie de jeter un parpaing sur ma télévision. Fort heureusement, ayant rarement un parpaing à proximité, je n’ai encore jamais cédé à cette pulsion et mon écran plat est pour le moment sain et sauf.
Il faut dire que le gars n’y met pas trop du sien pour qu’on l’aime — à croire, même, que ça le fait jouir qu’on le déteste, ce qui est somme toute assez inquiétant. Mais enfin, Céline était un odieux connard et ce n’est pas pour ça qu’on va arrêter de le lire (enfin moi non, je n’aime pas son écriture non plus), donc je me suis dit que vu qu’il était court j’allais me pencher sur le dernier Yann Moix. Encouragée sur cette voie par les chroniqueurs de Ça balance à Paris unanimement enthousiastes.
95% des gens à qui j’ai dit « je lis le dernier Yann Moix » ont poussé des cris « han mais non mais lui pas moyen il est trop tête à claque » (j’ai remplacé par « tête à claque » plusieurs expressions inégalement fleuries, mais toutes plutôt péjoratives). Les autres 5% qui vivent sans doute dans une grotte ont répondu « c’est qui, Yann Moix ? ».
Mais il en faut plus pour me décourager, d’autant qu’il y a « amour » dans le titre et que c’est quand même mon créneau.
Il s’agit donc d’une lettre écrite à une femme dont il est séparé par un connard de la pire espèce, et où il lui dit en substance qu’il ne l’a jamais aimée parce que de toute façon il est un salaud et qu’il ne sait pas aimer.
Rarement un texte ne m’aura laissé aussi perplexe.
Je l’ai aimé, je l’ai haï, il m’a tour à tour étonnée, ennuyée, agacée, révoltée, écœurée, interpellée, chagrinée, illuminée, émue.
J’y ai trouvé des choses très belles et d’autres qui m’ont profondément révulsée.
Et je ne sais toujours pas si Yann Moix est un odieux poseur méprisable, égocentrique et vaniteux en plus d’être indécrassablement phallocrate et misogyne, qui ne fait que masquer par de grandes phrases son manque total de profondeur, ou un authentique écrivain, un écorché, un incompris, un pauvre petit oiseau tombé du nid qui est méchant avec tout le monde parce qu’il est profondément malheureux.
Peut-être quelque chose entre ces deux extrêmes. Or je n’aime pas quand les choses me résistent, lorsqu’elles restent obstinément opaques, rétives à ma compréhension. Et ce texte se révolte lorsqu’on essaie de l’interpréter. Je le vois dans les notes que j’ai prises lors de ma lecture : elles se suivent mais ne se superposent pas, les interprétations partent dans tous les sens, incompatibles les unes avec les autres. Le mystère demeure, et ma perplexité avec.
Le problème principal, en fait, outre que parfois le style semble un peu ampoulé et qu’on a l’impression que Moix se regarde écrire, c’est le statut référentiel et générique du texte, qui est extrêmement flou, ce qui du coup brouille la réception.
Evidemment, il est écrit « roman », mais comme on a tendance de nos jours à apposer cette étiquette sur à peu près tout et n’importe quoi, cela n’aide pas, d’autant que l’envoi laisse à penser qu’il s’agit d’une vraie lettre (écrite lorsqu’il avait 27 ans) et que certains indices semblent permettre d’identifier le narrateur et l’auteur, ou en tout cas que Moix offre à son narrateur certains éléments de sa propre biographie.
Ce brouillage est habituel, mais ici il me semble poser problème, de par la violence de certaines pages, et le mépris clairement affiché pour les femmes que le narrateur considère comme des morceaux de viande simplement utiles pour se vider les couilles.
Disons que j’aimerais savoir si ce discours de don Juan de sous-préfecture pour qui le sexe est finalement aussi triste qu’une séance chez le dentiste (il n’y a aucune sensualité : tout est cru, presque clinique) vient d’un personnage (et après tout pourquoi pas) où d’une vraie personne. Ce qui m’inquiéterait d’ailleurs beaucoup pour la personne en question.
En tout cas, j’ai beau tournicoter le problème dans ma tête et écouter Yann Moix, je n’ai pas de réponse.
L’autre problème selon moi est celui des discours pontifiants et généralisants sur l’amour, a fortiori venant de quelqu’un qui n’y connaît rien. Moix a la manie du gnomique, et c’est pénible, au bout du compte.
Bref, je suis perplexe (je sais, je l’ai déjà dit) : si la curiosité vous titille, allez jeter un oeil, mais je ne saurais non plus vraiment conseiller ce texte bizarre…
Une simple lettre d’amour (lien affilié)
Yann MOIX
Grasset, 2015









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