Si l’un de ses amis s’était vu adresser une prophétie semblable et l’avait racontée à Henri, celui-ci aurait éclaté de rire et lui aurait dit avec la dernière conviction de ne pas croire à ces histoires de bonne femme. Malheureusement, il était comme presque tout le monde : il ne croyait les prédictions que si elles le concernaient. Même le sceptique le plus cartésien croit son horoscope.
Que serait une Rentrée Littéraire sans Amélie Nothomb ? Et bien, ce ne serait pas vraiment une Rentrée Littéraire, de fait. Alors, comme tous les ans, soumettons-nous au rituel du Nothomb nouveau, et apprécions la cuvée 2015.
Le Comte Neville n’est pas homme à consulter des voyantes. Et s’il se retrouve ce jour-là dans le cabinet de Mme Portenduère, c’est juste pour chercher son étrange fille de 17 ans, Sévère, que la dame a retrouvée en pleine nuit dans la forêt, et qu’elle a recueillie.
Pourtant, entre deux portes, et alors qu’il ne lui demande rien, l’extralucide lui livre une inquiétante prophétie : au cours de sa prochaine fête, il tuera un des invités. Mais « tout se passera bien ». C’est peu de dire que cette prédiction va lui gâcher les jours suivants. Tuer un invité ? Quel manque de savoir-vivre, pour un homme aussi attaché aux conventions.
L’intertextualité avec le conte de Wilde, Le Crime de Lord Arthur Saville, est évidente, et assumée, et se mâtine ici de tragédie grecque et d’une interrogation sur le destin : arrive ce qui doit arriver, quoi qu’on fasse.
Henri Neville n’a pourtant pas très envie d’être un nouvel Agamemnon, et s’il a appelé ses aînés Oreste et Electre, il n’a pas poussé la provocation jusqu’à nommer Iphigénie sa seconde fille ; cela dit, elle porte le nom de Sévère, et de fait, c’est une jeune fille étrange, qui essaie de vivre mais ne ressent rien.
Ici, tous les ingrédients pour une belle tragédie sont réunis, mais dans un décorum de conte de fées, et notamment un beau château dans lequel on donne de belles fêtes, où l’invité est ce qu’il y a de plus précieux. Et puis, nous sommes chez Nothomb : c’est loufoque et décalé, souvent très drôle, un peu satirique envers l’aristocratie belge arc-boutée sur l’honneur et le paraître.
Ce n’est pas un millésime, mais ça se lit avec plaisir, c’est distrayant et sympathique !
Le Crime du Comte Neville (lien affilié)
Amélie NOTHOMB
Albin Michel, 2015









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