My Little Princess, d’Eva Ionesco

Parce que tu penses que s’exprimer par l’image, c’est ne rien foutre ? C’est ce qu’il y a de plus beau !

Après ma lecture d’Eva de Simon Liberati (dont je vous parlerai dans quelque temps), j’ai eu envie de voir ce film où Eva Ionesco met en scène sa propre histoire.

Violetta est une petite fille normale, qui vit entourée de l’amour de sa grand-mère et ne voit que très peu sa mère, une artiste fantasque. Mais un jour, alors qu’elle a une dizaine d’années, celle-ci lui propose de poser pour elle : pour la petite fille, c’est d’abord un jeu, auquel elle se soumet car elle cherche désespérément l’amour de sa mère et qu’elle est prête à tout pour lui faire plaisir.

Mais un jeu qui va petit à petit se transformer en cauchemar, à mesure que la mère choisit des poses et des tenues de plus en plus érotiques, et transforme sa fille en objet sexuel.

Avec une histoire effroyable (et d’autant plus effroyable qu’elle est largement inspirée de ce qu’a réellement vécu la réalisatrice), Eva Ionesco parvient à faire un film bouleversant, qui ne sombre jamais dans le voyeurisme et le sordide règlement de comptes : tout est une question de distance, de filtre, et ici, c’est le filtre esthétique qui prime.

D’abord l’esthétique du conte de fée, la petite fille a une longue chevelure blonde à la Raiponce, des robes de princesse et un diadème ; mais rapidement, le décor merveilleux est évacué pour un autre beaucoup plus sombre, gothique, vampirique : une pâleur extrême, du satin noir et des couronnes mortuaires, des candélabres et des crucifix.

La petite fille s’éteint peu à peu, s’abîme : de lumineuse d’innocence, elle finit fardée et habillée comme une femme fatale (les costumes sont du reste absolument magnifiques) ; nous l’avons toute fait, petites filles, d’enfiler les talons hauts et de mettre le rouge à lèvre de notre maman, mais ici ce n’est pas du jeu, ce n’est pas du déguisement qui permet d’appréhender la féminité : c’est pervers, malsain, dangereux, la petite fille est précipitée dans un monde d’adultes qui n’est pas le sien.

Nombre de références visuelles viennent à l’esprit et se tissent : les photographies de David Hamilton et les blondes éthérées de Sofia Coppola dans Virgin Suicides, Lolita et surtout La Petite de Louis Malle, dont elle a presque le prénom. Le film repose sur le talent de ses deux actrices : Isabelle Huppert en artiste névrosée tenant beaucoup de Cruella Denfer et de la sorcière de Blanche-Neige, et Anamaria Vartolomei, sublime ange blond qui crève l’écran.

Le film interroge les limites de l’art, ce que l’on peut faire ou non en son nom : les séances photos sont extrêmement travaillées. Mais c’est aussi une histoire d’abus sexuel, d’inceste, et de relation toxique entre une mère et sa fille. Dérangeant, mais important !

My Little Princess
Eva IONESCO
2011

15 réponses à « My Little Princess, d’Eva Ionesco »

  1. Avatar de julie
    julie

    Merci pour l’idée de film 😉
    bonne journée,
    julie

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  2. Avatar de *Marie*

    C’est un film que j’avais très envie de voir à sa sortie et puis il m’est complètement sorti de la tête … Ton billet est une belle piqûre de rappel !

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    1. Avatar de Caroline Doudet (L'Irrégulière)
  3. Avatar de Guy
    Guy

    saviez vous qu’Irina Ionesco a été déboutée sévèrement face à l’écrivain Simon Liberati ( par ailleurs époux de sa fille ) ..?
    je retiendrai l’histoire d’un abus sexuel sur mineure en rapport avec l’argent…à partir de là je passe mon tour !

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    1. Avatar de Caroline Doudet (L'Irrégulière)

      Oui, j’ai suivi l’affaire, comme à chaque fois qu’un écrivain est attaqué. Je trouve qu’elle ne manquait pas d’air, d’autant que le livre parle très peu d’elle !

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  4. Avatar de Eva

    Vu à sa sortie et beaucoup aimé, l’histoire est passionnante et c’est une belle réussite sur le plan esthétique…A voir en complément de la lecture d’ »Eva ».

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    1. Avatar de Caroline Doudet (L'Irrégulière)

      Oui, les deux se lient étroitement !

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  5. Avatar de missycornish

    Cela fait longtemps que j’entends parler de ce film, il faudrait que je le vois.

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  6. Avatar de Eva, de Simon Liberati | Cultur'elle

    […] tourner dans des films pornographiques, plus ou moins ce qu’elle a raconté elle-même dans My little princess. Mais, surtout, il raconte Eva à travers son point de vue : une histoire d’amour qui semble […]

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  7. Avatar de Nicole Giroud

    Excellent éclairage de l’écrit par le visuel.

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  8. Avatar de Eva, de Simon Liberati – Caroline Doudet

    […] Dans ce roman, Simon Liberati entend faire le portrait de sa femme, Eva Ionesco. Ecrire une « vie », au sens latin du terme : revenir sur ce qu’elle a vécu enfant, petite fille abusée par sa mère qui la fait poser pour des photos érotiques et tourner dans des films pornographiques, plus ou moins ce qu’elle a raconté elle-même dans My little princess.  […]

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  9. Avatar de D’extase et d’amour féroce, de Dylan Landis – Caroline Doudet

    […] Rainer est avant tout une victime : il règne sur le roman un climat incestueux qui peut rappeler My little Princess. C’est la même période, celle des années 70 où tout était permis, et où on pouvait […]

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