Je sus alors que l’heure de mon sacre était arrivée, que ce petit matin encore bleuté verrait mon avènement, mon triomphe, que je devais m’attendre à être honorée, adorée et fêtée au-delà de tous mes rêves et de tous mes fantasmes… Il me fallait seulement être femme, et consentante. Je ne fus plus, dès lors, qu’un long et savoureux consentement, depuis ma nuque docile qui s’inclina et frissonna sous vos baisers jusqu’à, plus tard…
Comme le mois dernier, j’ai décidé de revenir aux fondamentaux, avec ce classique de la littérature érotique féminine, qualifié d’ »événement éditorial » par Patrick Poivre d’Arvor lors de sa sortie en 1989, et que la Musardine vient de rééditer en version illustrée.
Une femme écrit à son amant. Des lettres dont on ne sait trop si ce sont des fantasmes ou des souvenirs, pleines de scènes de sexe torride qui constituent une sorte de mode d’emploi de ses désirs.
Le roman a fait date, et on comprend pourquoi dès les premières pages : sublimement écrit, ciselé et poétique, le texte fait soudain émerger des termes crus, violents, qui ailleurs pourraient passer pour vulgaires mais qui ici rehaussent l’ensemble comme la monture la pierre précieuse ; c’est de cet équilibre subtil que ces lettres tirent leur grande puissance érotique, qui envoie valser tous les tabous.
Les scènes, les situations sont suffisamment variées pour que chacun y trouve de quoi se contenter, on passe par nombre de phases, certains chapitres sont assez sadiens et pervers, d’autres plus subtils et presque romantiques.
Ici, l’écriture sert de catalyseur au désir puisqu’elle s’adresse à l’amant, laisse la part belle au fantasme, à l’imagination et surtout à la parole : comme une sirène, la femme séduit par son chant, et prend le pouvoir, déité symbolique de l’indestructible luxure, à la fois soumise et maîtresse, triomphante et libre.
Ce texte a vraiment eu beaucoup d’effet sur moi, même si certaines scènes ne correspondent pas du tout à mon univers fantasmatique et ne m’ont pas du tout émoustillée, voire m’ont un peu révulsée.
Non, j’ai surtout été subjuguée par la force littéraire, l’écriture, la puissance des mots. Il se trouve aussi que c’est le texte que je lisais le 13 novembre au soir, et que pour cette raison il restera à jamais gravé dans ma mémoire (d’où aussi l’espèce d’autel païen sur la photo que j’ai prise pour illustrer la citation de Bataille : l’érotisme c’est l’approbation de la vie jusque dans la mort).
C’est également le texte qui m’a servi de point de départ pour un speed-défi d’écriture entre auteurs érotiques la semaine suivante, et qui avait pour but de se remettre à écrire. Bref, un texte important.
A lire, évidemment, d’autant que cette nouvelle édition est magnifiquement illustrée, et complétée par divers documents qui éclairent le texte. Néanmoins je ne saurais trop conseiller au correcteur de revoir la règle des a/à parce que les inversions sont assez nombreuses, ce qui m’a un peu crispée…
La Femme de papier (lien affilié)
Françoise REY
Ramsay, 1989 (La Musardine, 2015)









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