Hier, visite à la comtesse Greffulhe.
On m’a fait monter dans un grand salon aux boiseries dorées, égayé par un admirable meuble de Beauvais, aux bouquets de fleurs les plus papillotantes sur un fond crème, un meuble au nombre incroyable de fauteuils, de chaises, de grands canapés, de délicieux petits canapés pour tête-à-tête.
Dans la pièce éclairée à giorno, la comtesse arrive bientôt décolletée, dans une robe noire, aux espèces d’ailes volantes derrière elle, et coiffée les cheveux très relevés sur la tête, et surmontés d’un haut peigne en écaille blonde, dont la couronne de boules fait comme un peigne héraldique.
Là-dedans, au milieu de ce mobilier d’un autre siècle, l’ovale délicat de son pâle visage, ses yeux noirs doux et profonds, la sveltesse de sa personne longuette, lui donnent quelque chose d’une apparition, d’un séduisant et souriant fantôme ; caractère que je retrouve dans son portrait pastellé par Helleu. (Journal des Goncourt, tome VIII (1889-1891), 25 avril 1891)
C’est d’une exposition de fanfreluches très littéraire et artistique dont je vais vous parler aujourd’hui.
Une exposition qui vise à retranscrire la personnalité et l’allure d’une femme résolument fascinante : la comtesse Greffulhe. Son nom ne vous dit peut-être rien, et pourtant. Cousine de Robert de Montesquiou, qui lui consacre nombre de pages, elle a surtout servi de modèle à Proust (dont on connaît le goût pour les parures féminines qu’il décrivait avec luxe de détails) pour le personnage de la duchesse de Guermantes, et posé pour plusieurs peintres et photographes.
Il y a de quoi être fasciné et émerveillé : c’est tout un pan de l‘histoire de la mode qui s’offre au regard du spectateur. Des merveilles de robes, aristocratiques, luxueuses, éblouissantes et extravagantes.
Véritable professionnelle de la mode et artiste de la parure, la comtesse Greffulhe étonne par son goût très sûr et son souci du détail : elle prenait de nombreuses notes et savait quelles tenues la mettraient en valeur.
Beaucoup de noir mais aussi des brocards, des pièces somptueuses des plus grands couturiers, des voiles dont elle était particulièrement friande car ils mettaient en valeur sa part de mystère. Des tenues où le corps est prisonnier, d’autres où il est plus libre, les deux mettant en valeur sa taille d’une finesse extraordinaire. Des robes que n’importe qui ne peut pas porter…

C’est aussi sa sensualité absolument fascinante et son charisme qui inspire les artistes, et notamment le peintre Paul-César Helleu, qui réalise une série d’esquisses, comme des instantanés, qui mettent la comtesse en scène dans sa vie privée, et débordent de grâce et de beauté.

Du reste, ce qui fascine également chez la comtesse, c’est son don pour la mise en scène de soi : elle contrôle son image jusque dans les moindres détails, et les instructions qu’elle laisse pour ses obsèques sont de véritables didascalies de dramaturge. Inquiétant ? Peut-être un peu, mais aussi terriblement émouvant.
Une exposition absolument éblouissante, et d’une grande richesse : robes, accessoires, lettres, photographies, peintures, illustrés par de nombreux extraits de textes concourent à rendre la comtesse vivante. A voir absolument !
La Mode retrouvée – Les robes trésors de la comtesse Greffulhe
Palais Galliera
10, avenue Pierre 1er de Serbie
75116 Paris
Jusqu’au 20 mars









Un petit mot ?