Un jour par an seulement, ma mère possédait un prénom fixe. Le 15 février elle s’appelait Georgette. Ce n’était pas son vrai prénom, mais la Sainte-Georgette avait lieu le lendemain de la Saint-Valentin. Mes parents trouvaient tellement peu romantique de s’attabler dans un restaurant entourés d’amours forcés, en service commandé. Alors chaque année, ils fêtaient la Sainte-Georgette en profitant d’un restaurant désert et d’un service à leur seule disposition. De toute manière, Papa considérait qu’une fête romantique ne pouvait porter qu’un prénom féminin.
C’est un des romans phénomènes du moment, et je ne pouvais évidemment pas passer à côté. J’ai donc profité de la présence à Lire à Limoges du très charmant Olivier Bourdeaut pour faire l’acquisition, dédicace en prime, du livre dont tout le monde parle.
C’est l’histoire d’un amour fou, celui des parents du narrateur, qui refusent de vivre dans le monde triste et gris du quotidien normal : leur monde à eux est fait de danse, de vacances, de cocktails et d’une grue apprivoisée répondant au nom cocasse de Mademoiselle Superfétatoire. Mais aussi fort que l’on essaie de le nier, le réel finit toujours par s’imposer. Et ce réel, c’est celui de la folie…
Indéniablement, il se dégage de ce roman un charme fou. On le commence le sourire aux lèvres, et on envie ces personnages pour qui la vie doit être une fête et qui refusent de voir le monde tel qu’il est, préférant l’habiter poétiquement que pragmatiquement.
Mais petit à petit, l’univers s’assombrit, et se rétrécit, et on s’aperçoit que le ton naïf du narrateur est surtout profondément mélancolique. Et là est selon moi la vraie réussite de ce roman : parvenir à se maintenir sur ce fil ténu, à mêler les registres, et à être à la fois follement gai et désespérément triste.
Fable sur la perte, sur la disparition de la magie de l’enfance, sur la folie et sur l’amour absolu, ce roman est tissé de références intertextuelles. On a beaucoup parlé de Vian, et il y a en effet quelque chose de L’Écume des jours, cette vision tragique de l’existence où le réel vient toujours mettre fin à la fantaisie heureuse.
Mais, et Olivier Bourdeaut le dit lui-même, il y a aussi quelque chose de fitzgeraldien, ce rise and fall, cette mélancolie inguérissable derrière la fête et la joie. Personnellement, j’y ai aussi trouvé quelque chose de cauwelaertien — ce qui doit être un peu le plus beau compliment que je puisse faire à un auteur — dans le mélange des registres et cette manière de considérer l’amour comme la valeur cardinale de l’existence.
Bref, cher Olivier, oui, j’ai dansé et ri avec votre Bojangles, et un peu pleuré aussi, car c’est vraiment un très joli premier roman que vous nous offrez ! J’ai hâte de lire les prochains !
En attendant Bojangles (lien affilié)
Olivier BOURDEAUT
Finitude, 2016









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