Elisabeth était ravie d’être mère d’un garçon et non d’une fillette : Ulysse ne se poserait pas ces questions qui l’assaillaient. Le sexe de l’homme n’est pas, à rebours de son homologue féminin, l’enjeu de toutes les guerres depuis que l’humanité existe, quoiqu’il en soit l’énergie qui manie l’épée.
Jessica Nelson est la créatrice des sublimes éditions des Saints Pères. Elle est aussi romancière, et j’étais très curieuse de découvrir son travail.
Une femme est retrouvée à demi nue, profondément endormie sur un banc parisien. Il n’en faut pas plus à la presse pour la surnommer « la Belle au banc dormant ». Mais qui est-elle, et comment en est-elle arrivée là ?
Elisabeth M, ancienne danseuse, est devenue sculptrice après avoir vue une exposition de Man Ray ; obsédée par Lee Miller, elle prépare une exposition sur le corps féminin, et notamment les seins…
Un roman (« romanquête ») dont le parti-pris narratif à de quoi déconcerter de prime abord : la voix narrative, à la fois celle de l’auteure et de la narratrice qui ne sont qu’une seule et même personne, ne cesse d’intervenir dans l’histoire* et au roman sont intégrés les dialogues de l’auteure avec son éditrice.
Cela donne le tournis, mais on comprend vite l’intérêt d’un tel procédé : si le roman met deux figures d’artistes en miroir, Lee Miller et Elisabeth M, très vite il apparaît qu’à travers elles ce sont ses propres obsessions que creuse et interroge l’auteure/narratrice, et que l’éditrice, enceinte, fait elle aussi partie de ce jeu de reflets.
Opposant l’esprit et la matière, le roman explore le corps féminin et la création qui semble être incompatible avec la maternité : Les grandes créatrices sont des femmes qui souvent n’eurent pas d’enfants — ou qui bousillèrent leur progéniture, faute d’avoir le mode d’emploi permettant de se partager entre l’œuvre d’art et l’œuvre de la chair.
Vous vous doutez combien de telles interrogations ont pu me passionner, et me plonger dans des abîmes de perplexité existentielle. Un excellent roman donc, parfaitement maîtrisé, que je conseille sans réserves !
Debout sur mes paupières
Jessica L. NELSON
Belfond, 2017
* Ce qui est d’autant plus troublant pour moi que l’éditeur en question a motivé son refus (ce qui est très bien : peu le font et c’est pénible) de mon manuscrit par le doute que pouvait générer ce procédé dans l’esprit du lecteur…
une belle découverte en efet!
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C’est un très joli roman !
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J’adore tes articles. Le sujet me tente beaucoup. Si je comprends bien elle t’a volé la vedette quoi? 😑😳
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Nonon, c’est juste une coïncidence troublante 😉
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J’ai lu le billet de La fée lit et elle a détesté… Comme quoi ! 😉
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Ah… c’est sûr que c’est particulier, mais ça traite des thèmes qui me parlent beaucoup !
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Mince alors, j’aimerais bien le lire celui-ci mais j’ai peur de rester sur le bord de la route…et puis s’il est question de seins…
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😉
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