Et je pensais : moi aussi, un jour, j’écrirai et les gens ne se sentiront plus aussi seuls ! (C’était mon secret. Quand j’ai rencontré mon mari, je ne lui en ai pas parlé tout de suite. Je n’arrivais pas à me prendre au sérieux. Sauf que, pour moi, c’était une affaire sérieuse. En secret, en secret, je me prenais très au sérieux. Je savais que j’avais la trempe d’un écrivain. Ce que je ne savais pas, c’était combien ce serait dur. Mais personne ne peut le savoir. Et ça n’a aucune importance.)
Un des romans de la rentrée littéraire que j’avais le plus hâte de lire : forcément, il s’agit d‘une histoire d’écrivain. Je l’ai donc dévoré parmi les premiers, élégamment alanguie dans mon hamac !
C’est à l’occasion d’une hospitalisation que la narratrice, Lucie Barton, écrivain, revoit sa mère, avec qui elle n’avait que peu de contacts depuis son mariage : issue d’une famille très pauvre, elle a réussi à s’extraire de sa classe sociale, mais du coup ne parvient plus à communiquer avec sa famille. Se tressent alors trois temporalités : celle de l’enfance, celle de la maladie, et celle de l’écriture du roman que nous lisons.
Un roman d’une grande sensibilité, qui nous révèle finalement ce que l’écriture peut faire pour nous aider à mettre au jour nos failles les plus intimes.
Un roman sur l’amour, le couple, les enfants, ce qui peut aller mal lorsque les êtres qui s’aiment ne parviennent plus à communiquer.
Un roman, aussi, sur la pauvreté extrême et les différences de classes, mais traitées de manière particulière : si Lucy a vécu l’extrême pauvreté de son enfance comme une humiliation, ce n’est pas tant, fondamentalement, pour des questions d’argent, mais plutôt pour des questions de culture, et c’est bien son travail qui sauve Lucy du déterminisme social qui a happé son frère et sa sœur, mais pas elle, car grâce à ses heures de lecture et de devoirs, elle obtient une bourse pour l’université, et se sauve de son destin.
C’est aussi, donc, un roman sur l’écriture, sur la fiction, ce qu’elle doit être et ce qu’elle propose au monde.
Bref, un roman riche, complexe, juste et délicat, merveilleusement écrit, qui fonctionne par fragments superposés, révélant toute la richesse de l’être et des liens qu’il tisse avec les autres. Un roman qui m’a beaucoup parlé !
Je m’appelle Lucy Barton (lien affilié)
Elizabeth STROUT
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Brévignon
Fayard, 2017









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