Pourquoi je n’ai pas écrit de film sur Sitting Bull, de Claire Barré

Comment je n'ai pas écrit de film sur Sitting Bull

Comment je n'ai pas écrit de film sur Sitting BullCette idée de « laisser une trace » fait partie de mes obsessions primordiales. L’art est, pour moi, un moyen de lutter contre la peur de l’inutilité de l’existence. J’ai toujours vu les artistes comme des guides, des passeurs, ayant embrassé « l’horrible travail », celui de toute une vie : la tâche ardue consistant à partager des clés de compréhension à leurs frères et soeurs humains, aussi égarés qu’eux. Les artistes m’ont plus appris à vivre que mes professeurs, à quelques exceptions près. Se reconnaître dans les oeuvres d’un(e) autre est sans doute l’une des plus grandes émotions qu’on puisse éprouver. Ecouter une musique, contempler un tableau ou lire un texte qui nous dévoile à nous-même, qui nous murmure que nous ne sommes pas seuls à souffrir, à aimer, que d’autres, avant nous, ont vécu ces mêmes tourments, ont éprouvé ces mêmes splendeurs, n’est-ce pas le plus beau cadeau qu’un être humain puisse recevoir de ceux et celles qui l’ont précédé sur cette terre ?

Le précédent roman de Claire Barré, Phrères, m’avait fait forte impression notamment par la manière dont il abordait certains sujets comme la dimension mystique de l’écriture ; j’étais donc très curieuse de découvrir ce dernier opus, beaucoup plus personnel, dans lequel l’auteure raconte ses expériences et ses voyages chamaniques.

Tout commence par l’apparition d’un visage d’Indien, qui s’interpose en transparence entre la narratrice et le monde. Pas n’importe quel Indien, d’ailleurs, puisqu’après quelques recherches elle découvre qu’il ne s’agit rien moins que du légendaire Sitting Bull. Alors, c’est comme si une porte s’ouvrait…

Une porte s’ouvre pour la narratrice avec cette apparition, et le texte lui-même ouvre des portes. Voyage au coeur de l’histoire des amérindiens et du chamanisme, il montre comment, finalement, tout s’organise, les expériences du passé prenant tout leur sens ; surtout, il met au premier plan toute une réflexion sur l’art, la création, l’écriture, déjà présente dans Phrères : à la fois rimbaldien et baudelairien, le roman fait du poète un guide, un voyant, un déchiffreur de symboles. Rien que cela aurait suffi à faire de cette lecture une expérience passionnante. Mais pour moi, elle a été beaucoup plus intime, et, partant, bouleversante. Parce que, se mettant à nu, Claire Barré nous offre le récit de son cheminement spirituel, de ses interrogations, de ses voyages chamaniques au coeur des mondes cachés. Cela pourra laisser certains lecteurs perplexes, c’est évident. Moi, ça m’a tout simplement bouleversée : par delà les différences concrètes, j’ai retrouvé dans ce récit certaines de mes expériences impossibles, certaines interrogations existentielles et positionnements spirituels (même si avec l’auteure nous ne sommes pas vraiment d’accord sur le sens profond de ce mot, puisqu’elle met « recherche spirituelle » et « foi religieuse » dans le même sac, alors que pour moi au contraire ils s’opposent totalement) notamment en ce qui concerne les religions et la question du féminin sacré. Même lorsqu’elle évoque son premier roman, Ceci est mon sexe (que je n’ai pas encore lu mais qui du coup a été placé en haut de ma liste) j’y ai retrouvé un peu de ce que je veux faire avec mes textes érotiques.

Bref : ce roman, original et sensible, m’a profondément chamboulée par l’écho qu’il a suscité en moi. C’est donc un coup de coeur !

Comment je n’ai pas écrit de film sur Sitting Bull
Claire BARRÉ
Robert Laffont, 2017

1% Rentrée littéraire 2017 — 15/18
By Herisson

6 commentaires

  1. Guy dit :

    je suis resté sur ma faim ! j’ai trouvé que le récit oscille beaucoup trop, au sens propre et figuré, entre une chronique assez froide je trouve ou fraiche sur une expérience mystique ( certes hors du commun ) , et un roman intime attachant, mais du coup on ne sait pas ou l’on se trouve et ça m’a beaucoup gêné perso ! Passer de Paris intra-muros aux States d’une page sur l’autre n’était pas indispensable !

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    1. Ah oui, vous avez trouvé ça froid ? Tiens c’est curieux…

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