Il y a plusieurs sortes de femmes, celles qui se réalisent en ayant des enfants, celles qui fuient comme ta mère, celles qui assument et qui regrettent comme toi, celles qui ne peuvent pas en avoir et puis il y a celles qui n’ont jamais voulu en avoir, comme moi.
Apparemment, je suis enfin sortie de mon impasse fictionnelle, ce qui m’a permis de me plonger enfin dans ce roman qui traînait depuis des semaines mais que je n’arrivais pas à commencer : je savais qu’il allait résonner fort, et je ne voulais pas le gâcher avec mon humeur bizarre. Et, enfin, j’ai pu le lire…
Parce qu’elle a grandi sans mère, celle-ci l’ayant abandonnée à son père lorsqu’elle était toute petite, la narratrice Giulia s’est imposé une vie stable : un travail d’enseignante et trois enfants.
Mais ce n’était peut-être pas ce qu’elle voulait vraiment, et lorsque ses deux fils dont elle espérait qu’ils deviendraient indépendants renoncent à commencer leurs études et s’offrent une année sabbatique, elle fait un burn-out maternel : elle les aime, mais elle espérait vraiment qu’après des années de sacrifices, elle allait enfin pouvoir retrouver sa liberté.
Alors elle plaque tout et va se réfugier à Capri, dans la villa Malaparte, écrivain auquel sa mère vouait un culte et sur lequel elle a entrepris d’écrire un livre.
Un roman qui a doublement résonné en moi.
Giulia est une femme sauvage, encore une fois : une femme qui s’est empêchée et qui n’a pas vécu la vie qu’elle aurait dû, une femme avide de liberté, une femme bancale et qui cherche à être aimée — elle a une telle faim d’amour qu’elle fait fuir les hommes, une femme épuisée et à bout.
Une femme, aussi, qui interroge la féminité, le couple, l’amour, et surtout la maternité : contrairement à ce qu’on nous serine, toutes les femmes ne sont pas faites pour être mère, certaines le regrettent et c’est bien le cas de Giulia.
C’est ce point bien sûr qui m’a plongée dans des questionnements métaphysiques insolubles (j’aime bien me poser des questions sans réponses, visiblement) : cette question, qui ne s’est jamais posée dans ma vie et qui vu mon âge a peu de chances de se poser (ou alors il va falloir accélérer la manœuvre, et c’est mal parti), comment y aurais-je répondu ?
La réponse est, bien sûr, que je n’en sais strictement rien, et que la réponse est peut-être d’ailleurs dans la question, à savoir que j’ai peut-être tout fait, inconsciemment, pour ne pas avoir à me la poser… Mais la réflexion que propose Sylvie Le Bihan sur le sujet est extrêmement intéressante, et en nuances.
Un roman plein de grâce et de gravité en même temps, un roman de la solitude et de l’introspection dans lequel une femme fait face à elle-même, se dépouille de son rôle social pour trouver sa vérité, en résonance avec un lieu mythique et l’œuvre d’un écrivain dont le fantôme plane sur chaque page…
Amour Propre (lien affilié)
Sylvie Le BIHAN
Lattès, 2019









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