Le confinement n’est-il pas la condition normale de l’écrivain qui écrit ? Rester chez lui, parfois à l’écart du monde dans une cabane près d’un lac ou dans un village de montagne ou dans une tour d’ivoire ? Ne pas sortir, oublier le monde réel et écrire.
A la limite, peu importent les circonstances extérieures : Shakespeare a écrit King Lear confiné à cause de la peste, nombre d’auteurs ont écrit en prison, en exil, malheureux et pourtant féconds. A la limite donc, l’écrivain s’arrange parfaitement bien de la période. Il sait composer avec l’enfermement, la solitude, l’absence de contacts humains. Il sait se créer un monde en lui-même. Il est le monde.
Il y a en moi ce côté qui, donc, s’arrange plutôt bien d’une situation où je ne suis pas obligée de sortir pour faire des trucs qui ne m’apparaissent pas essentiels voire que je considère totalement superflus et malvenus. Ce côté de moi dont la vie idéale est de travailler chez moi comme je le fais actuellement : à mon rythme, lire, écrire, tenir mon journal poétique, me sentir jouir d’une certaine liberté intérieure.
L’autre jour à un moment je me suis même sentie parfaitement heureuse et alignée, comme une épiphanie (rassurez-vous, ça n’a pas duré). Parce que j’ai le temps et la possibilité, la disponibilité de plonger à l’intérieur de moi-même, de laisser émerger mes émotions et leur faire face au lieu de tout de suite les mettre sous cloche comme je le fais d’habitude.
Parce que la période remue beaucoup de choses auxquelles on est obligé de faire face (on ne peut pas tellement s’en distraire : faire son pain a ses limites). C’est le but, ai-je envie de dire…
Et pourtant… question écriture au sens strict, je me suis sentie longtemps coincée. Pas asséchée, mais embourbée. J’ai un million de projets, de textes sur le feu, à corriger, à terminer, à développer, d’habitude je passe mon temps à récriminer contre les circonstances extérieures qui m’empêchent d’avancer et d’habitude dès que je suis libérée de mon gagne-pain j’écris beaucoup, et là…
ça a mis longtemps à démarrer vraiment, j’ai écrit beaucoup (pour moi c’est comme respirer aussi il faut dire), mais dans le vide pour ainsi dire : un peu comme un musicien fait des gammes pour ne pas perdre mais ne joue pas vraiment. Le truc 2 avançait et avance (mais c’est sa forme qui veut ça). J’ai écrit quelques petites choses dans mon journal poétique. J’écris pas mal ici alors que j’avais ralenti mais c’est un vrai besoin, de partager mes réflexions. J’ai ouvert d’autres canaux d’expression avec la peinture, le dessin, la photographie surtout.
Parce que j’avais l’impression au fond qu’une seule chose exigeait d’être écrite : ça, ce qui remue à l’intérieur, ce que ça provoque, ce que ça dit. Pour garder une trace, quelque part. Ou plutôt… on verra, il ne va pas falloir qu’il y ait mille journaux de confinements qui paraissent.
Enfin, c’est revenu, à force que je tourne autour, que je regarde mes carnets et mes divers projets sans savoir lequel voulait être écrit qui ne soit pas ça. C’est apparu : il faut à nouveau que je plonge dans roman n°1 car quelque chose manque encore (on n’en sortira donc pas).
Deux signes coup sur coup me l’ont révélé, et je n’ai aucune « excuse » pour différer. L’ouverture des autres canaux créatifs, encore une fois, a bien fait son office (mais je continue à peindre et à coller). Et ça dépend des jours, et il ne faut pas se brutaliser : certains jours ça coule, c’est fluide, c’est évident. D’autres ça résiste, les mots ne sortent pas ou alors au forceps et c’est mieux de faire autre chose, alors…
D’autres choses, aussi, viendront après.
En fait, plus que jamais, écrire, créer me paraît essentiel, vital, je suis dans mon flow lorsque je le fais, c’est une évidence. Le seul endroit où, malgré tout, je me sens bien.
(la photo d’illustration n’est pas du tout contractuelle, bien évidemment, ce n’est pas mon jardin)









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