Je suis la nature, mère de toutes choses

Je suis la nature, mère de toutes choses

Je suis toujours dans mes recherches sur la Grande Déesse et le féminin sacré, particulièrement intéressantes d’ailleurs par les temps actuels tant tout semble concorder et faire signe en direction d’un rééquilibrage entre les pôles masculins et féminins (en chacun de nous et aussi au niveau des couples).

Même s’il y a des résistances, et même si ça ne se fera pas d’un coup de baguette magique encore une fois, l’amour est bien la clé qui nous mènera vers un monde plus doux, vers une réconciliation et une renaissance.

Tiens, souvenez-vous de mes petits textes avec mes deux petits dieux (enfin je dis « les » parce qu’il y en a trois, mais je n’en ai publié qu’un ici, le premier).

Bref, donc, toute à mes recherches sur la divinité féminine, j’en suis arrivée aux Métamorphoses d’Apulée. Et à ce passage que je partage aujourd’hui avec vous, parce que je l’aime beaucoup, et qu’aimer c’est partager ce qui nous touche !

Ses cheveux épais, longs et bouclés ornoient sans art sa tête divine, et tomboient négligemment sur ses épaules. Elle étoit couronnée de diverses fleurs qui, par leur arrangement, formoient plusieurs figures différentes ; elle avoit au-dessus du front un cercle lumineux en forme de miroir, ou plutôt une lumière blanche qui me faisoit connoître que c’étoit la lune. Elle avoit à droite et à gauche deux serpens, dont la figure représentoit assez bien des sillons, sur lesquels s’étendoient quelques épis de bled. Son habillement étoit d’une robe de lin fort déliée, de couleur changeante, qui paroissoit tantôt d’un blanc clair et luisant, tantôt d’un jaune de safran, et tantôt d’un rouge couleur de roses, avec une mante d’un noir si luisant, que mes yeux en étoient éblouis. Cette mante qui la couvroit de part et d’autre, et qui, lui passant sous le bras droit, étoit rattachée en écharpe sur l’épaule gauche, descendoit en plusieurs plis, et étoit bordée d’une frange que le moindre mouvement faisoit agréablement flotter. Le bord de la mante, aussi bien que le reste de son étendue, étoit semé d’étoiles, elles environnoient une lune dans son plein, qui jettoit une lumière très-vive ; autour de cette belle mante étoit encore attachée une chaîne de toutes sortes de fruits et de fleurs.
La Déesse avoit dans ses mains des choses fort différentes ; elle portoit en sa droite un sistre d’airain, dont la lame étroite et courbée en forme de baudrier, étoit traversée par trois verges de fer, qui, au mouvement du bras de la Déesse, rendoient un son fort clair. Elle tenoit en sa main gauche un vase d’or, en forme de gondole, qui avoit sur le haut de son anse un aspic, dont le cou étoit enflé et la tête fort élevée ; elle avoit à ses pieds des souliers tissus de feuilles de palmier. C’est en cet état que cette grande Déesse, parfumée des odeurs les plus exquises de l’Arabie heureuse, daigna me parler ainsi.
Je viens à toi, Lucius, tes prières m’ont touchée, je suis la nature, mère de toutes choses, la maîtresse des élémens, la source et l’origine des siècles, la souveraine des divinités, la reine des manes, et la première des habitans des cieux. Je représente en moi seule tous les Dieux et toutes les Déesses ; je gouverne à mon gré les brillantes voûtes célestes, les vents salutaires de la mer, et le triste silence des enfers. Je suis la seule divinité qui soit dans l’univers, que toute la terre révère sous plusieurs formes, avec des cérémonies diverses, et sous des noms différens. Les Phrygiens, qui sont les plus anciens et les premiers hommes, m’appellent la mère des Dieux, déesse de Pessinunte. Les Athéniens, originaires de leur propre pays, me nomment Minerve Cécropienne. Chez les habitans de l’isle de Cypre, mon nom est Vénus de Paphos. Chez les Candiots, adroits à tirer de l’arc, Diane Dictinne. Chez les Siciliens qui parlent trois langues, Proserpine Stygienne. Dans la ville d’Eleusis on m’appelle l’ancienne déesse Cérès, d’autres me nomment Junon, d’autres Bellone, d’autres Hécate, d’autres Némésis Rhamnusienne ; et les Ethiopiens, que le soleil à son lever éclaire de ses premiers rayons, les peuples de l’Ariane, aussi-bien que les Egyptiens qui sont les premiers savans du monde, m’appellent par mon véritable nom, la reine Isis, et m’honorent avec les cérémonies qui me sont les plus convenables.

Apulée, L’Âne d’or ou Les Métamorphoses

Et on en arrive à Nerval, et à ce passage où il rencontre Isis (toujours elle) dans Aurélia : 

Il me semblait que la déesse m’apparaissait en me disant : « Je suis la même que Marie, la même que ta mère, la même aussi que sous toutes les formes tu as toujours aimée. A chacune de tes épreuves j’ai quitté l’un des masques dont je voile mes traits, et bientôt tu me verras telle que je suis ». 

Gérard de Nerval, Aurélia

L’amour, l’authenticité, la vulnérabilité.

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