Le bûcher des sorcières, de Dominique Labarrière : les plus grands procès de sorcellerie de l’histoire décryptés

Le bûcher des sorcières, de Dominique Labarrière : les plus grands procès de sorcellerie de l'histoire décryptés

Paradoxalement, c’est à une époque où le champ des connaissances s’ouvre, explose comme jamais avec les avancées de la Renaissance, l’épuisement du dogmatisme scolastique, les grandes découvertes, dont celles, géographiques, des navigations transocéaniques qui réinventent le monde ; c’est au moment de l’histoire où, avec en particulier la pensée proprement « révolutionnaire » d’un Nicolas de Cues, la philosophie opère son « virage anthropologique », où, avec Copernic, Galilée, Giordano Bruno, le mystère des mystères, celui de la marche des planètes, cède devant la curiosité humaine ; où bientôt, avec Newton, les lois de la gravitation universelle émergeront… C’est justement à cette époque, disions-nous, que sévit avec le plus de fureur la chasse aux sorcières, la traque des oeuvres du diable et que déferle la vague obscurantiste instituant la femme bouc émissaire des misères et des bizarreries de la vie. Comme si, alors que le vaste monde cesse d’être totalement terra incognita et que l’humain paraît être en passe de se rendre maître de mille secrets dont certains aussi extraordinaires que la course des astres, la femme persistait à opposer une résistance inébranlable, sa nature profonde demeurant seule, contre toute science nouvelle, un territoire inviolable. Comment pourrait-on tolérer un tel affront, une telle insulte à l’intelligence enfin libérée ? Masculine, l’intelligence, évidemment…

Encore les sorcières ? Oui, je suis loin d’en avoir terminé avec ce sujet de toute façon passionnant, et je vois de plus en plus nettement émerger quelque chose (de l’ordre d’un projet).

Dans cet essai, Dominique Labarrière entend interroger les grands procès en sorcellerie, afin de percer le mystère de la figure de la sorcière. Après avoir examiné le contexte historique et la haine des femmes qui sous-tend bien évidemment toute l’histoire, il s’intéresse à quelques procès célèbres comme les possédés de Loudun, l’affaire des poisons et bien sûr les sorcières de Salem.

Pour être honnête, la deuxième partie qui analyse les procès m’a semblée un peu légère et pas si intéressante que ça ; par contre, la première partie (d’ailleurs plus développée) qui expose le contexte est absolument passionnante et instructive – malgré toutes mes lectures sur le sujet j’apprends encore des choses, notamment ici sur le plan juridique que jusqu’ici je n’avais pas trop abordé. L’hypothèse de l’auteur, que la haine et la peur suscitées par le féminin vient du désarroi face à un mystère irréductible alors que tous les autres mystères ont cédé me semble très intéressante. Mais la conclusion (à laquelle j’étais déjà arrivée cela dit) est que tous ces gens étaient complètement toqués, et qu’à certaines époques je n’aurais pas fait de vieux os (ou plutôt : à certaines époques, je n’ai pas fait de vieux os). Et je me demande (si quelqu’un a la réponse) si l’Eglise a demandé pardon pour ces crimes abominables (j’ai, je l’avoue, un peu sauté le chapitre sur les tortures qui m’est apparu insoutenable).

Bref, un ouvrage sérieux, précis, instructif, le ton sarcastique adopté par l’auteur est très plaisant, et c’est donc une lecture parfaite pour se documenter sur le sujet !

Le bûcher des sorcières
Dominique LABARRIÈRE
Pygmalion, 2020

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