J’ai abandonné (pour l’instant) l’idée de commercialiser l’Oracle des poètes, mais je m’en sers toujours à titre personnel, dans mes tirages du jour. Et en ce moment il y a une carte qui revient assez régulièrement (alors que d’autres ne tombent jamais), c’est celle de l’Âme, que j’ai illustrée avec le très beau poème « Elan mystique » de Louise Ackermann, dont je ne me lasse pas de découvrir le travail.
Et il m’est venu à l’idée que si cette carte revenait, c’était peut-être que le poème désirait non pas seulement me parler à moi, mais parler à tous. Donc je le partage avec vous aujourd’hui !
Alors j’avais quinze ans. Au sein des nuits sans voiles,
Je m’arrêtais pour voir voyager les étoiles
Et contemplais trembler, à l’horizon lointain,
Des flots où leur clarté jouait jusqu’au matin.
Un immense besoin de divine harmonie
M’entraînait malgré moi vers la sphère infinie,
Tant il est vrai qu’ici cet autre astre immortel,
L’âme, gravite aussi vers un centre éternel.Mais, tandis-que la nuit marchait au fond des cieux,
Des pensers me venaient, graves, silencieux,
D’avenir large et beau, de grande destinée,
D’amour à naître encor, de mission donnée,
Vague image, pour moi, pareille aux flots lointains
De la brume où nageaient mes regards incertains.
— Aujourd’hui tout est su ; la destinée austère
N’a plus devant mes yeux d’ombre ni de mystère,
Et la vie, avant même un lustre révolu,
Garde à peine un feuillet qui n’ait pas été lu.
Humble et fragile enfant, cachant en moi ma flamme,
J’ai tout interrogé dans les choses de l’âme.
L’amour, d’abord. Jamais, le cœur endolori,
Je n’ai dit ce beau nom sans en avoir souri.Puis j’ai soudé la gloire, autre rêve enchanté,
Dans l’être d’un moment instinct d’éternité !
Mais pour moi sur la terre, où l’âme s’est ternie,
Tout s’imprégnait d’un goût d’amertume infinie.
Alors, vers le Seigneur me retournant d’effroi,
Comme un enfant en pleurs, j’osai crier : « Prends-moi !
Prends-moi, car j’ai besoin, par delà toute chose,
D’un grand et saint espoir où mon cœur se repose,
D’une idée où mon âme, à qui l’avenir ment,
S’enferme et trouve enfin un terme à son tourment. »Louise Ackermann, Premières Poésies, 1871









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