La poésie sauvera le monde, de Jean-Pierre Siméon : pour une insurrection poétique

La poésie sauvera le monde, de Jean-Pierre Siméon : pour une insurrection poétique

Vivre en poète sur la terre, ce serait simplement cela : lutter pied à pied contre les forces qui poussent à l’exil pour habiter la vie entière et lui demeurer fidèle jusqu’à la mort. Nous n’avons qu’une alternative : vivre chez Circé, en hommes-porcs, une vie morte, ou reprendre le grand large, êtres du désir invincibles aimantés par l’ouvert et amants du plein vent. Vivre en poètes et trouver le sens imprévu ou perdre bientôt notre humanité.

Lorsque je suis tombée par hasard sur ce texte en cherchant autre chose, je me suis dit que c’était tout à fait pour moi. La poésie, le rôle de la poésie dans le monde, le réenchantèlent du quotidien, c’est mon domaine.

Dans ce manifeste, Jean-Pierre Siméon appelle donc à redonner sa place à la poésie, pour nous sauver du cynisme et du désespoir. Une poésie qui est l’objet du mépris ou du déni, alors qu’elle a tout à nous apprendre. Pas seulement le poème, même si c’est dans cet usage particulier de la langue qu’elle trouve son expression la plus pure, mais surtout la poésie en tant qu’elle excède le poème, comme position éthique et état de conscience, une certaine manière d’être au monde faite d’étonnement et d’émerveillement, une transgression et une résistance face aux dérives du monde moderne.

Sur le principe, je ne peux qu’être d’accord, même si le constat de départ me semble un peu sombre, et bien des passages de cet essai m’ont illuminée, chamboulée, ont été surlignés de manière à pouvoir y revenir, et notamment les pages sur le corps, les sens, le charnel qui sont, il faut bien le dire, la matrice de mon rapport au monde.

Pourtant, tout ne m’a pas convaincue et à vrai dire, j’ai trouvé que l’auteur était parfois un peu réac. Deux points en particulier m’ont chiffonnée. La condamnation du narratif d’abord, comme si la poésie elle-même ne racontait pas d’histoires : non seulement le narratif est l’essence même de l’homme depuis la nuit des temps et je suis convaincue que c’est ce qui fait sa spécificité et son unicité, cette capacité à raconter des histoires, et cette narration est au cœur de la poésie, sauf à sortir l’épopée du champ poétique (et même sans l’épopée d’ailleurs, il y a toujours une histoire). Ensuite, la condamnation des images (au sens visuel, pas métaphorique) et en tant qu’être qui se nourrit d’images, je ne peux que m’opposer.

L’autre chose qui m’a un peu chiffonnée, c’est la complexité : je ne suis pas sûre d’avoir tout compris et j’ai trouvé que pointait ça et là un certain élitisme dans les formulation, au sens où le propos, plutôt simple, est volontairement énoncé de manière disons hermétique ou tout au moins complexe. Bien sûr, c’est aussi l’enjeu de cet essai, le travail de la langue, mais cela m’a parfois dérangée s’agissant d’un texte voulant faire de la poésie un art populaire.

Néanmoins, malgré ces points de friction, cela reste un ouvrage intéressant, car il offre une réflexion riche et qui ouvre à de nombreux questionnements.

La Poésie sauvera le monde (lien affilié)
Jean-Pierre SIMEON
Le Passeur, 2015

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