Pendant de nombreuses années, je me suis nourri des connaissances des Egyptiens avant de quitter le pays. Partout où je me présentais, chez les Crétois, les Doriens, en Arcadie, à la cour du roi Egée, en Béotie ou en Eolie, les femmes et les hommes m’accueillaient avec des guirlandes de fleurs et des cortèges me suivaient en chantant mes exploits.
Mais j’avais beau voyager, je n’étais toujours pas satisfait. Mon pouvoir sur le monde n’était jamais assez grand. J’en voulais plus. Toujours plus.
Après ma découverte de Benjamin Carteret et de sa relecture du mythe de Perséphone qui m’a beaucoup donné à penser, je suis tombée, en farfouillant un peu, sur sa récente publication, concernant cette fois-ci Orphée, dans une collection dont je n’avais jamais entendu parler mais dont plusieurs volumes ont d’ores et déjà rejoint ma liste d’envies : « Autobiographie d’un mythe« , aux Ateliers Henry Dougier.
Il ne s’agit pas d’un roman, mais d’une exploration du mythe par la voix de son personnage principal, qui prend la parole et nous conte son histoire, une histoire que tout le monde connaît même si certains épisodes plus que d’autres, et notamment la descente aux Enfers pour chercher Eurydice, épisode au cours duquel nous recroisons d’ailleurs Perséphone. Dans la deuxième partie, l’auteur s’intéresse à l’histoire du mythe, à ses sources et à sa fortune artistique.
Ce fut pour moi un véritable plaisir de retrouver la plume poétique et enchanteresse de Benjamin Carteret, qui donne ici vie à ce qui est l’un des mythes les plus riches, tant au niveau du sens que de la fortune littéraire et artistique (et l’ouvrage est d’ailleurs richement illustré en ce sens, et j’ai découvert avec joie des tableaux que je ne connaissais pas) : Orphée, c’est le mythe des pouvoirs de la poésie sur le monde, avec cette idée que le langage poétique est le langage de la magie et qu’elle permet d’agir concrètement.
C’est aussi le mythe de l’amour absolu : descendre aux Enfers, affronter Cerbère et amadouer Charon, pour réclamer sa bien-aimée à Hadès et à Perséphone. Pourtant, ici, Benjamin Carteret choisit d’infléchir cette interprétation et de lui donner un autre sens, tout comme il émet une hypothèse intéressante sur la raison pour laquelle Orphée se retourne : je ne m’étendrai pas davantage, je vous laisse la découvrir, mais le fait est que bien qu’opposée à la mienne (mais c’est aussi la force des mythes : chacun peut s’y projeter) cette hypothèse a nourri mes réflexions.
Bref, une très belle découverte : j’ai aimé cette plongée dans un de mes mythes fondateurs, et j’ai hâte de voir ce que nous réserve Benjamin Carteret pour la suite : il travaille actuellement à un roman graphique sur Jean Cocteau avec la dessinatrice Gabrielle Lavoir, et surtout à un deuxième roman mythologique et je suis curieuse d’en savoir plus (et notamment : qui en est le personnage principal ?) !
Moi, Orphée (lien affilié)
Benjamin CARTERET
Ateliers Henry Dougier, « Autobiographie d’un mythe », 2024









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