Colette journaliste

Colette journaliste

On ne redevient pas journaliste sans appréhension, ni sans coquetterie, ni sans mauvaise foi. Mais à quel âge, quand on a été journaliste, renonce-t-on à l’être ? Je croyais bien y voir renoncé. Un article de loin en loin, dans un beau numéro de Noël, dans une revue franco-américaine, un magazine de modes, ça ne compte pas… Et puis je reprends, comme par coup de tête, un poste de critique dramatique. Mais un feuilleton hebdomadaire, participe-t-il au halètement quotidien d’un journal ?
Inutile argutie ! Vient un jour  — aujourd’hui  — où la bille est jetée : tous les jours, tous les jours, je courrai l’aventure d’écrire. Tous les jours un souci s’éveillera en même temps que moi, m’accompagnera en voyage, nagera l’été à mon flanc et s’insinuera dans mon songe. (La République, 15 décembre 1933).

Dernier livre acheté à la maison de Colette : je n’ai pas pu résister à l’envie de me plonger dans ce qu’on peut considérer comme l’œuvre parallèle de Colette, souvent oubliée et pourtant essentielle : quasiment toute sa vie, Colette a été journaliste (dès son mariage avec Willy, sans doute, même si elle ne signe pas ses articles), pour une liste de publications longue comme un annuaire (plus d’une centaine), et sur des sujets on ne peut plus éclectiques : la mode et la beauté, les faits divers et les procès, le théâtre, et ce qu’on pourrait appeler « l’air du temps » dans des chroniques au ton très personnel, où elle excelle.

Il ne s’agit bien évidemment pas, dans ce petit volume, de nous livrer l’intégralité de la production journalistique de Colette (plus de 1200 articles au total). Certains articles ont d’ailleurs été publiés dans Les Vrilles de la Vigne. Non, il s’agit plus simplement d’une sélection de chroniques et de reportages publiés entre 1893 et 1955 (Colette était décédée à cette date, il s’agit d’un ancien d’article repris). Un échantillon, en somme.

En refermant ce volume, je me suis fait cette réflexion que, sans aucun doute, si elle avait vécu à notre époque, Colette aurait eu un blog, tant elle semble s’épanouir dans la forme courte et incisive (et c’est là aussi que je la préfère, je crois), dans laquelle elle adopte un point de vue personnel et livre son regard sur le monde. Plus chroniqueuse que journaliste, d’ailleurs, elle n’est jamais neutre ni objective, mais elle a cette capacité à faire un sujet de tout et à rendre tout passionnant. Le style est vif, le vocabulaire comme toujours chez elle riche et précis, elle a le sens du détail, et ce volume est une véritable leçon d’écriture.

C’est aussi un voyage à travers le temps et les époques, et plus précisément entre 1910 et 1945 : autant d’instantanés sur lesquels j’ai pris beaucoup de notes pour le Projet Adèle. Oui, il y a beaucoup de Colette dans le Projet Adèle !

En tout cas, si Colette n’aimait pas écrire, elle ne pouvait pas s’en passer non plus, comme le montre sa propension à être toujours en éveil, aux aguets d’un nouveau sujet sur lequel réfléchir, et c’est ce que j’ai vivement apprécié dans ce recueil, que je recommande chaudement !

Colette journaliste. Chroniques et reportages 1893-1955 (lien affilié)
Texte établi, présenté et annoté par Gérard Bonal et Frédéric Maget
Seuil, 2010 (Libretto, 2014)

2 réponses à « Colette journaliste »

  1. Avatar de Les mondes de Colette, à la Bibliothèque Nationale de France – Caroline Doudet

    […] ses personnages, notamment bien sûr Claudine. Le Temps, la section suivante, s’intéresse à Colette journaliste et chroniqueuse, qui écrit son époque et y […]

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Portrait plan américain d'une femme châtain ; ses bras sont appuyés sur une table et sa maingauche est près de son visage ; une bibliothèque dans le fond

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