Mon cœur n’était qu’amour, et l’amour s’écoulait de moi comme le nectar d’une coupe débordante. J’ai ouvert les fleurs, fait battre la sève au cœur des arbres, soufflé la joie au cœur de tout ce que j’ai rencontré. Et parce que j’étais l’harmonie, j’ai appris à chaque être vivant à chérir sa ou ses compagnes, son ou ses compagnons. J’ai rapproché les étoiles des planètes alors qu’elles se fuyaient toujours un peu plus, je leur ai appris à se parler, à faire entendre leur musique personnelle, chacune à sa place, et j’ai fait du monde un Cosmos, le lieu de la Beauté, baigné par la symphonie des sphère.
Je ne me lasse décidément pas de cette magnifique collection « autobiographie d’un mythe » des ateliers Henry Dougier, et après Orphée et Judith, je me suis plongée avec délectation dans cette exploration de l’histoire de Vénus, dont ceux qui me suivent régulièrement savent combien elle m’est chère : c’est une de mes déesses tutélaires. D’ailleurs, lorsque j’étais à l’école primaire, avec une de mes amies, j’avais écrit une petite pièce mythologique, que nous avions jouée devant la classe, et j’avais choisi le rôle de Vénus.
A la demande de Zeus-Jupiter, Vénus-Aphrodite, qui a toujours été la préférée des humains et est la seule à être toujours honorée à notre époque, raconte son histoire : sa naissance prodigieuse, qui la met à part dans l’Olympe, son mariage forcé avec Vulcain, son histoire d’amour avec Mars, ses fils Priape et Hermaphrodite, Adonis, la pomme de discorde, Anchise et la guerre de Troie.
Bien évidemment, je connaissais déjà tous les épisodes, mais j’ai beaucoup apprécié le point de vue adopté par Marika Doux et le supplément de sens qu’elle y apporte, grâce à un angle que l’on pourrait qualifier de féministe : Vénus, bien que déesse, est d’abord une femme écrasée par le patriarcat. Sans son consentement, on la marie au plus laid des dieux, un homme violent et abusif, et sa découverte de la sexualité se fait par le viol conjugal. Toute déesse de l’amour qu’elle est, il est pour elle un défi et un apprentissage complexe et douloureux, mais il est aussi ce qui lui permet de prendre sa liberté et de reconquérir son pouvoir, celui du désir, de la beauté, de l’harmonie. Et quel pouvoir plus beau et plus puissant que celui-là ?
Le texte est émaillé de très belles phrases et réflexions sur l’amour, qui donnent à penser :
L’amour est une proposition. Faite pour vivre davantage. Et connaître l’essence de la vie, qui est la générosité, la création… en un mot, la démultiplication de la vie. Car la vie veut la vie. Cette proposition ne peut être offerte qu’à une seule personne à la fois. En tant que déesse, je peux espérer qu’un amour soit partagé, et c’est ce que je souhaite quand je fais circuler l’amour d’un être à l’autre, évidemment, mais je ne peux pas faire qu’il le soit. Ni qu’il soit durable. Mon pouvoir suppose que l’on coopère. Que l’on participe. L’amour, pour durer, s’épanouir et s’enfanter à l’infini, suppose que l’on y mette du sien, comme disent les mortels. Aimer est une synergie.
J’ai donc beaucoup apprécié la manière dont Marika Doux prête sa plume sensible et délicate à ce personnage envoûtant qu’est Vénus, et lui permet de donner sens aux épisodes dont elle est le personnage, ce qui est bien l’essence du récit mythologique. Et comme d’habitude avec cette collection, l’enchantement du texte est démultiplié par l’enchantement visuel procuré par les tableaux qui l’illustrent, tous plus beaux les uns que les autres : Botticelli bien sûr, un de mes tableaux préférés de tous les temps, mais aussi nombre d’autres que je ne vais pas lister, dont certains que je ne connaissais pas.
Une merveilleuse lecture donc, qui complète parfaitement l’épisode du podcast La nymphe et la sorcière consacré à Vénus !
Moi, Vénus (lien affilié)
Marika DOUX
Ateliers Henry Dougier, 2022









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