Ecrire n’a rien à voir avec gagner de l’argent, devenir célèbre, draguer les filles ou se faire des amis. En fin de compte, écrire revient à enrichir la vie de ceux qui liront vos ouvrages, mais aussi à enrichir votre propre vie. C’est se tenir debout, aller mieux, surmonter les difficultés. Et faire qu’on soit heureux, d’accord ? Oui, faire qu’on soit heureux.
Il peut paraître étrange que je ne me sois jamais jusqu’à présent penchée sur cet essai, attendu que j’aime infiniment lire des livres où les écrivains parlent boutique, et que celui-ci est souvent cité parmi les meilleurs, les plus stimulants et intéressants. Sauf que voilà, je n’aime pas Stephen King, ou, plus exactement : j’apprécie beaucoup l’homme, je le trouve a priori très sympathique, mais pas du tout ses histoires. Le fantastique, l’horreur, ce n’est pas du tout mon truc, je suis beaucoup trop impressionnable pour cela, et je n’ai donc lu aucun de ses romans ; j’ai vu quelques adaptations, vu qu’il y en a beaucoup, et qui m’ont plutôt plu d’ailleurs dans l’ensemble, mais à chaque fois j’ai fait des cauchemars, et s’il y a des gens qui aiment avoir peur, ce n’est guère mon cas (je trouve la vie réelle bien assez effrayante).
Mais tout de même, cet essai était sur ma liste depuis bien longtemps, et vu que j’ai placé 2025 sous le signe de l’alignement et donc de l’écriture, je me suis dit que le moment était venu d’écouter ce que Stephen King avait à me dire concernant le travail d’écrivain. Et je ne le regrette absolument pas tant cet essai, qui est aussi un récit autobiographique, m’a intéressée et nourrie.
La première partie est essentiellement autobiographique : Stephen King y interroge la manière dont l’écrivain qu’il est s’est construit, à travers son histoire, son imaginaire, les événements importants, les difficultés à placer ses premiers textes. Il y parle aussi de sa femme (et leur rencontre a fait effet de synchronicité puisqu’il y est question d’ours), et de son addiction à l’alcool et à la drogue à une période de sa vie.
La deuxième partie file la métaphore de la boîte à outils, les éléments qui sont indispensables à l’écrivain : le vocabulaire, la grammaire, les éléments de style, le rythme, tout en gardant à l’esprit que ce ne sont que des outils car
L’objet de la fiction n’est pas la correction grammaticale, mais d’accueillir un lecteur et de lui raconter une histoire… et même de lui faire oublier, si possible, qu’il lit une histoire […] Ecrire, c’est séduire.
Si la maîtrise de la boîte à outils permet d’être un écrivain compétent, elle ne suffit pas pour faire un bon écrivain, et c’est à cette ambition qu’est consacrée la troisième partie, la plus longue et la plus intéressante selon moi. Le premier conseil est évidemment de lire beaucoup, et de beaucoup écrire, et d’avoir un lieu à soi dont on peut fermer la porte pour faire ce qui est somme toute un travail comme un autre, qui demande une certaine discipline. Stephen King aborde ensuite les trois éléments de l’histoire, la narration, la description et les dialogues, avec une idée intéressante : celle que les histoires se fabriquent d’elles-mêmes, préexistent en quelque sorte, et le travail de l’écrivain est de les extraire à l’aide de sa boîte à outils. Il insiste également sur l’importance de la situation, du symbolisme et des thèmes : de quoi veut-on parler ?
On en arrive alors au processus d’écriture proprement dit : le premier jet, le temps de repos, la première relecture et les révisions, tout cela « porte fermée », avant d’ouvrir cette porte et de confier le textes à quelques proches, et notamment à son lecteur idéal. Stephen King part de l’idée qu’il y en a toujours un : cette personne pour qui on écrit, et qui est finalement toujours avec nous dans notre bureau, même lorsque la porte est fermée. Pour lui, il s’agit de sa femme. Je n’avais jamais réfléchi à cette question, tout du moins pas consciemment, mais cela m’a percutée : oui, on écrit toujours pour quelqu’un.
Cette partie se termine par diverses réflexions sur les recherches, indispensables pour le contexte, les cours et séminaires d’écriture, pas indispensables mais qui peuvent être de belles expériences, et la publication et les agents (réflexion intéressante mais pas adaptée au contexte français).
Le livre se clôt sur un post-scriptum où Stephen King raconte l’accident qui a failli lui coûter la vie alors qu’il écrivait cet essai, la longue convalescence qui a suivi, et la manière dont l’écriture l’a, en quelque sorte, sauvé.
Bref : je suis enchantée par cette lecture, qui m’a beaucoup nourrie et a suscité chez moi de fertiles interrogations. J’ai beaucoup aimé la vision du métier d’écrivain (car oui, c’est un métier) qui sous-tend l’ensemble, et le ton adopté par Stephen King : ce n’est jamais pontifiant, au contraire plein d’humour et d’autodérision, il s’appuie beaucoup sur son expérience et ses textes et je craignais un peu que ne pas les avoir lus soit gênant mais au final ça ne l’était pas tant que ça (connaître l’histoire m’a suffi).
A lire par tous ceux qui ont envie d’écrire, ou qui s’intéressent au processus d’écriture !
Ecriture. Mémoires d’un métier (lien affilié)
Stephen KING
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par William Olivier Desmond
Albin Michel, 2001 (Livre de poche, 2003)









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