Autoportrait au radiateur, de Christian Bobin

A la question toujours encombrante : qu’est-ce que tu écris en ce moment, je réponds que j’écris sur des fleurs, et qu’un autre jour je choisirai un sujet encore plus mince, plus humble si possible. Une tasse de café noir. Les aventures d’une feuille de cerisier. Mais pour l’heure, j’ai déjà beaucoup à voir : neuf tulipes pouffant de rire dans un vase transparent. Je regarde leur tremblement sous les ailes du temps qui passe. Elles ont une manière rayonnante d’être sans défense, et j’écris cette phrase sous leur dictée : « Ce qui fait événement, c’est ce qui est vivant, et ce qui est vivant, c’est ce qui ne se protège pas de sa perte. »

Cela faisait une éternité que je n’avais pas lu Christian Bobin. Je ne sais pas pourquoi, lorsque je cherche de nouvelles choses à lire, je ne pense pas à lui, alors que ce qu’il écrit m’émerveille toujours. Or récemment, je suis tombée sur une citation extraite de cet autoportrait au radiateur au titre intrigant (et à mon avis pas le plus adapté, même s’il attire l’attention), citation sans doute à propos des fleurs, ou d’autres choses, citation en tout cas qui m’a illuminée (même si je ne me souviens plus de laquelle il s’agit tant des citations qui m’ont illuminée, il y en a dans ce texte) et donné envie de le lire.

Il s’agit d’une sorte de journal poétique courant sur un peu moins d’une année, du 6 avril 1996 au 21 mars 1997 : l’année qui suit la mort de sa compagne, dont il parle dans La plus-que-vive. Le poète s’y adresse à l’absente et y égraine son quotidien empli de poésie et d’attention aux détails infimes, d’émerveillement face à la vie, malgré la mort. Chaque semaine, il s’achète des fleurs, avec lesquelles il discute. Et il parle d’amour.

Un texte absolument magnifique, entre ombre et lumière, rempli de fulgurances que l’on a envie de noter et de retenir, qui se savoure à petites gorgées. J’ai infiniment aimé la manière dont Christian Bobin parle de l’écriture, de l’amour malgré l’absence de celle qui est pourtant constamment présente, et des fleurs : c’est amusant, cette attention qu’il porte continuellement à ses bouquets, dont il les observe au jour le jour, dont il s’adresse à eux, et qui m’a semblé connu :

Il peut sembler étrange de faire entrer, chaque semaine, deux bouquets de fleurs dans un endroit où l’on vit seul. C’est pourtant un geste dont je ne peux plus me passer.

C’est un texte qui finalement fait du bien, dans sa manière poétique d’habiter le monde, presque une leçon, même si je sais que je ne serai jamais capable d’un tel détachement presque bouddhiste, d’une telle ouverture, d’un tel acquiescement à la vie dans sa totalité.

Autoportrait au radiateur (lien affilié)
Christian BOBIN
Gallimard, 1997 (Folio, 1999)

3 réponses à « Autoportrait au radiateur, de Christian Bobin »

  1. Avatar de lizagrece
    lizagrece

    Je suis sans doute à part mais je n’aime pas les textes de Christian Bobin

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    1. Avatar de Caroline Doudet

      Il y en a que je n’ai pas aimé du tout, mais en général je suis touchée !

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  2. Avatar de Peut-on mourir d’ennui ? – Caroline Doudet

    […] beaucoup de choses, j’ai créé, et j’en écris des pages dans mon journal. Comme Christian Bobin, je peux écrire toute une page au sujet d’une fleur. Mais lorsque j’ai passé la […]

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