Je regarde la cicatrice rose de cinq centimètres sur mon sein gauche, que je porte depuis fin août. Elle s’éclaircit et s’affine de jour en jour. Juste dessous, le cœur. Ici, la plaie est invisible mais béante. Va-t-elle cicatriser aussi vite, elle ? Est-ce que mes cellules de désir, de confiance et d’abandon vont se régénérer pour me permettre, plus tard, d’avoir ne serait-ce qu’envie de revivre quelque chose d’intense avec quelqu’un ? Le tissu cicatriciel serait habituellement de qualité inférieure au tissu d’origine. Je pense en effet que le cœur va s’endurcir un peu.
Pour ce troisième livre, après Il est 14h j’enlève ma culotte et Ceci n’est pas un roman érotique, Zoé Vintimille nous propose le journal, mois par mois, de l’année de ses 46 ans. Une année où elle se sépare de son compagnon, travaille, veut acheter un appartement puis change d’avis, revoit un ancien amant, essaie d’écrire un texte de fictions, rencontre des hommes sur Tinder, tombe amoureuse, déménage. Découvre une boule dans son sein gauche.
Une nouvelle fois, comme elle le dit elle-même, elle « se fout à poil », et explore sans fard sa vie, ses désirs, ce qu’elle cherche. Il est bien sûr question de plaisir de désir et de jouissance, d’amour aussi, sur lequel elle pose des mots sublimes, et je me suis souvent reconnue en elle : la question du désir qui vient plutôt facilement mais de la difficulté à tomber amoureuse, le refus d’acheter un appartement parce que ça ne nous correspond pas, l’écriture aussi, le besoin de se raconter, de poser des mots, d’allier l’expérience et l’introspection.
Mais il y a plus : il est aussi ici question du corps qui trahit. Honnêtement, le cancer est un sujet que j’évite soigneusement d’habitude, cela m’angoisse trop, et certains passages n’ont pas été très faciles pour moi. Pour autant, j’ai aimé la manière de Zoé Vintimille de traiter le sujet, avec beaucoup de sincérité et d’authenticité, beaucoup de sensibilité, crûment parfois, sans pour autant donner dans le voyeurisme. L’expérience du cancer et de la chimiothérapie, qui ne nous est pas racontée jusqu’au bout puisque le récit s’achève en décembre alors que le traitement n’est pas terminé, prend ici une valeur presque symbolique, prise dans le prisme de la douleur amoureuse, et d’une réflexion qui se déploie sur le corps, le désir et la féminité.
Finalement, il en ressort quelque chose d’étrangement lumineux et optimiste malgré tout.
Cher corps, petit salopard (lien affilié)
Zoé VINTIMILLE
La Musardine, 2025









Un petit mot ?