Le second métier de l’écrivain, de Colette

Un écrivain fera de la publicité s’il en est capable. C’est-à-dire s’il est doué de curiosité, d’appétit de vivre ; s’il ressent à la fois l’amour de ce qui est nouveau, la honte de sa propre routine, l’envie de connaître, l’aptitude à divulguer. Qu’en outre il possède un vocabulaire assez riche, et le voilà capable, en effet, de faire de la publicité.

L’autre jour, alors que je sortais d’une exposition justement consacrée à Colette et que je faisais un tour au marché des livres anciens, je suis tombée sur ce petit ouvrage, consacré aux écrits publicitaires de Colette. J’ai trouvé la coïncidence amusante, le sujet m’intéressait, je l’ai donc pris.

Colette a toujours refusé de n’avoir qu’un seul métier, de ne faire qu’une seule chose, quand bien même il s’agissait d’écrire. Elle a ainsi été journaliste, mime, et à même ouvert un salon de beauté. Mais ce sont surtout les écrits publicitaires, que l’on appellerait aujourd’hui copywriting, qui lui ont rapporté de l’argent : sa signature vaut de l’or, elle sait se faire entendre des femmes et mettre en avant sa personne et sa posture d’écrivain, et elle a en outre été à la bonne école du marketing avec Willy et son orchestration assez admirable (je n’aime pas le bonhomme, mais il avait un véritable don pour faire vendre) du marketing des Claudine.

Et si Colette accepte de prêter son nom ou son image à quantité de produits, ce n’est pas seulement par souci financier : ne pas manquer, préserver son indépendance en multipliant les sources de revenus. Non, c’est aussi qu’elle a le goût de faire autre chose, de multiplier les sujets de curiosité, d’aller à côté de la littérature pour mieux y revenir. Et c’est ce qui m’a toujours fascinée chez elle, d’ailleurs : ce goût pour toutes les choses de la vie.

On retrouve donc ici des textes de commande, souvent pour des catalogues luxueux imprimés par Draeger et qui se vendent des fortunes aux enchères. Beaucoup de textes sur la beauté, la mode, l’art et l’artisanat, une voiture, mais aussi, la loi Evin n’étant pas encore passée par-là, vins, spiritueux et même cigarettes. Certains, bien sûr, non pas manqué de critiquer ce qu’ils considéraient comme de la prostitution, un écrivain ne devant écrire que de la littérature et ne pas galvauder son talent avec la publicité.

Et pourtant, encore une fois, Colette était en avance sur son temps : elle invente en quelque sorte le marketing d’influence et le personal branding, vend son style de vie, sa vision du monde, dans laquelle s’intègrent les produits qu’elle promeut à une époque où l’écrivain, en tant que personnalité médiatique, est très sollicité : on voit d’ailleurs d’autres grands noms dans les plaquettes pour lesquelles elle écrit. Et elle le fait bien : ses textes sont de véritables petits bijoux de style, de sensualité, dans lesquels elle recourt souvent au récit, et qui font pleinement partie de son œuvre.

A vrai dire, je suis totalement convaincue qu’aujourd’hui, Colette aurait un blog, une newsletter et un compte Instagram, et serait une slasheuse. Et j’ai trouvé ça totalement inspirant !

Le second métier de l’écrivain (lien affilié)
COLETTE
Editions de l’Herne, 2014

Une réponse à « Le second métier de l’écrivain, de Colette »

  1. Avatar de lizagrece
    lizagrece

    Par contre est-ce que Colette aurait aimé « trouer » notre langue avec des mots anglais ?

    J’aime

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Portrait plan américain d'une femme châtain ; ses bras sont appuyés sur une table et sa maingauche est près de son visage ; une bibliothèque dans le fond

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