Je réponds que je commence une longue série de voyages, et que j’espère y trouver matière à écrire. Pourquoi ? Et je pars à la recherche de quoi ? […] J’explique que l’idée d’un chez soi – et sa réalité – fait partie des choses qui me passionnent. Que je vais voir des lieux où j’ai rêvé de vivre, que je vais tenter de m’y poser – lire des livres qu’ils ont inspirés, visiter les jardins, acheter les produits de saison, essayer de m’y sentir chez moi.
Au début de l’été, je suis tombée par hasard sur ce récit en parcourant l’étal d’un bouquiniste. J’ai d’abord été attirée par la couverture (j’aime infiniment photographier les épices sur les marchés), puis par les thématiques abordées, le voyage et la nourriture. Je ne connaissais pas Frances Mayes, mais j’ai tellement aimé ce livre que j’ai passé l’été à la lire, comme nous le verrons dans les prochaines semaines – ainsi qu’une autre autrice qui aborde les mêmes thèmes et que je vous présenterai bientôt.
Pour l’heure, revenons à nos saveurs vagabondes. Frances et son mari Ed décident de faire un wanderjahr, une année de voyage effectuée par les écrivains au cours de leur jeunesse (on l’appelle aussi le Grand Tour, qui a donné tourisme, et il n’était pas destiné qu’aux écrivains mais à tous les jeunes aristocrates mâles, mais beaucoup d’écrivains l’ont fait). Ils démissionnent de leurs postes à l’université pour se faire exclusivement écrivains, et explorent de multiples lieux, avec l’ambition pour Frances d’interroger le balancement entre le désir de partir et la liberté infinie du voyage, et le bonheur de rester chez soi (en l’occurrence plutôt leur maison en Toscane, dont nous reparlerons, que les Etats-Unis). Les voilà donc partis en Espagne et notamment en Andalousie, au Portugal, à Naples, à Fez, en Bourgogne sur les traces de Colette, dans les îles britanniques, dans les îles grecques en croisière puis à nouveau en Crète et dans le Magne, en Ecosse, à Capri et à Mantoue.
Ah, la belle vie que celle d’écrire et de voyager : pendant toute ma lecture, je me suis dit que ce que je voulais, c’était la même vie que celle de Frances Mayes : voyager, manger, écrire, qui plus est avec un homme aimé. Le récit, tissé de références littéraires (elle voyage en écrivain, ce qui lui donne un certain regard sur le monde) est d’une grande sensualité, celle des goûts bien sûr, puisqu’un pays et une culture se découvrent par la cuisine et qu’Ed et Frances ne se font pas prier pour tout goûter, mais aussi les couleurs, les odeurs, la chaleur, le touché des étoffes, les odeurs. Chemin faisant, on apprend beaucoup de choses, notamment sur l’étymologie et l’histoire, car la narratrice est dotée d’une insatiable curiosité pour le monde.
J’aime leur manière de voyager. Ils restent longtemps, parfois dans un lieu unique parfois en itinérance, parfois à l’hôtel mais le plus souvent ils louent une maison (ce qui conduit parfois à des déconvenues) parce que cela permet de cuisiner, de faire le marché, mais aussi de ne pas sortir et de rester à se reposer pour « absorber », lire et écrire. Ils voyagent avec leur bibliothèque, et se laissent guider par leurs envies du moment.
Je me suis trouvé beaucoup de points communs avec Frances Mayes, au-delà même du goût du voyage et de la nourriture, et bien sûr l’écriture. Comme moi elle se prend à rêver d’une maison partout où elle va, comme moi elle aime les fleurs et visite toujours les jardins, et comme moi elle revient de voyage la valise alourdie de beau linge, de vaisselle, de trouvailles de brocantes, de livres et de nourriture. Et tout le récit est tendu par une réflexion qui m’occupait beaucoup moi aussi avant même de me plonger dans cette lecture et qu’elle m’a aidée à approfondir (et j’imagine donc que ce livre ne m’est pas arrivé entre les mains par hasard) : Frances Mayes depuis son adolescence a la bougeotte et cherche son port d’attache, celui où elle se sentira chez elle et où elle peut retourner. Elle l’a trouvé à Cortona, moi pas encore mais je garde espoir !
Il n’est donc pas étonnant que j’aie eu un coup de cœur pour ce récit et pour son autrice, qui m’a accompagnée tout l’été et dont les textes m’ont aidée à recentrer certaines choses. D’ailleurs pour la petite histoire : le jour où j’ai terminé ce livre, j’ai cherché Frances Mayes sur Instagram, et c’est le jour-même où elle a acquit la nationalité italienne. Bref, quelqu’un qui n’a pas fini de m’inspirer !
Si vous aimez les voyages, la nourriture, la culture et l’histoire, ce récit est pour vous ! Cela dit, j’en ai tellement parlé sur Instagram qu’il est pour le moment indisponible, mais il doit se trouver en occasion !
Saveurs vagabondes. Une année dans le monde (lien affilié)
Frances MAYES
Traduit de l’américain par Jean-Luc Piningre
Quai Voltaire / La Table ronde, 2006 (Folio, 2008)









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