Dès ces premiers jours, ces premières heures que nous passons ensemble, il devient clair que ce que j’éprouve pour mon bel étranger est infiniment plus important que tout ce que j’ai pu connaître auparavant. Notre rencontre a mis sens dessus dessous ce et ceux vers quoi et vers qui je croyais aller – ou dont je pensais m’écarter. Aimer Fernando ébranle mes certitudes et remet en cause la façon dont j’interprétais mes inquiétudes et mes souffrances. Je ne prétends pas comprendre ce que j’éprouve et j’ai envie de ne pas toucher à ce qui reste inexplicable. On dirait que moi aussi j’ai hérité de bandages sur les yeux. C’est incroyable cette façon dont la tendresse d’un homme parvient à faire qu’un cœur s’ouvre.
Voici ce qui s’est passé : alors que je commandais les deux autres livres de Frances Mayes pour m’on été, l’algorithme m’a attrapée par la manche pour me montrer que si j’aimais Frances Mayes, j’aimerais sans doute aussi Marlena de Blasi. Et de fait, après avoir lu le résumé, j’ai aussi commandé ses trois récits. Et, de fait, les points communs ne manquent pas : la cuisine, l’Italie. Mais Marlena de Blasi nous parle aussi d’amour.
Critique gastronomique, chef de cuisine et autrice, Marlena quitte tout ce qu’elle vient juste de construire pour s’installer à Venise avec un homme qu’elle vient juste de rencontrer dans un bar. Un rencontre qui a le ton de l’évidence, et au lieu de faire comme tout le monde, elle est Fernando s’installent ensemble avant de faire connaissance. Ce qui ne va pas sans quelques tiraillements et ajustements : l’appartement de Fernando est abominable, la narratrice a du mal à se faire au quotidien en Italie, et son mari a parfois du mal à se faire à cette nouvelle vie pleine d’amour. Mais, au cours de ces mille jours à Venise, ils construisent les bases d’une nouvelle vie.
Tout autobiographique que soit se texte, il séduit comme une comédie romantique, avec un coup de foudre à Venise qui porte la marque du destin, l’urgence de vivre cette histoire à un âge où on n’y croit plus, et la réinvention de soi dans un autre pays.
J’ai beaucoup aimé la manière dont se construit leur relation, à rebours de la logique : ils s’installent ensemble puis apprennent à se connaître, se racontent leurs histoires avec beaucoup de vulnérabilité, et s’ajustent l’un à l’autre : Fernando m’a souvent agacée au début, mais j’ai compris que c’était parce qu’il me rappelait quelqu’un de précieux. C’est lui qui a eu le coup de foudre pour Marlena, l’année avant leur rencontre. Mais parfois, il semble lui reprocher ce qu’elle est, cette « effervescence » qui est pourtant ce qu’il aime et ce qui l’a attiré – et comme le couple est le lieu où fonctionne le mieux l’effet miroir, c’est surtout ce qu’il a en lui, qu’il ne s’autorise pas, et qu’il va devoir faire sortir de l’ombre. Fernando a passé toute sa vie enfermé, engoncé dans une vie monotone et sans couleurs, et la tornade Marlena le bouscule un peu. Et c’est cet aspect du récit que j’ai particulièrement aimée, où la narratrice réfléchit sur le couple et l’amour :
Il y a des saisons dans la vie d’un couple qui ressemblent un peu à une garde de nuit. L’un veille, parfois longtemps, à donner à l’autre la sérénité dont il a besoin pour réussir quelque chose – un quelque chose parfois douloureux et semé d’épines. Il y en a un qui s’enfonce dans le noir, tandis que l’autre reste dehors, à veiller que tout se passe bien.
Dans le récit, on trouve également la thématique de la cuisine et de la nourriture, si essentielle que le livre se termine par quelques recettes alléchantes, et l’Italie, lieu de réinvention de soi. L’ensemble traité avec beaucoup de tendresse et d’humour.
Un véritable coup de foudre pour ce récit, que j’ai lu d’une traite ainsi que les deux autres de la série dont je vous parlerai très bientôt !
Mille jours à Venise (lien affilié)
Marlena de BLASI
Traduit de l’américain par Marie-Pierre Bay
Mercure de France, 2009 (Folio, 2011)









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