Autour de l’angoisse

Dans son journal, à la date du 23 août 1937, Anaïs Nin écrit :

Angoisse. Etrange, personne n’écrit sur elle. L’angoisse est le drame d’aujourd’hui. Pas les événements. Souffrir d’un incident qui n’arrive jamais. La souffrance de l’imagination.

Lorsque j’ai lu ce passage, j’ai eu un choc, parce que justement l’idée d’un nouvel article sur le sujet trottait dans ma tête au même moment. Vous me connaissez : j’y ai vu un signe, et j’ai décidé de m’y atteler immédiatement.

Dans les faits, j’ai beaucoup progressé depuis le dernier article : je n’ai pas fait de crise d’angoisse, je sors beaucoup plus sans me sentir en insécurité permanente, et mon mental ne se met plus en roue libre sur les trucs les plus anodins. Je partais de loin, vu qu’à peu près tout m’angoissait, mais à partir du moment où je ne suis pas enfermée dans un espace clos et petit avec d’autres gens, ou que je ne suis pas attaquée par les guêpes qui veulent manger mon déjeuner, ça va. Mais ça, c’est plus de l’ordre de la phobie que de l’angoisse, et c’est déjà plus vivable, tant que je ne prends pas les transports en commun (le train et l’avion ça va parce que chacun est à sa place, mais le tram bondé c’est impossible pour moi) et je tiens les guêpes éloignées (plus difficile).

En fait, ma principale angoisse était d’ordre social : j’étais angoissée par les gens, j’avais sans cesse l’impression que j’allais être jugée, que l’on allait se moquer de moi, et cela avait même parfois des accents de paranoïa : j’étais persuadée que certaines personnes ne m’aimaient pas et disaient du mal de moi dès que j’avais le dos tourné, ce qui fait qu’il était très difficile pour moi de faire confiance, et d’accepter de nouvelles personnes dans mon cercle. Et je restais donc, trop souvent, en sécurité chez moi, ou en tout cas seule avec moi-même. Et lorsque je ne pouvais pas, j’enfilais le masque de la sociabilité et de l’extraversion, tout en restant sur le qui-vive et ne laissant personne approcher de trop près.

Evidemment, tout cela était lié aux événements que j’ai vécus dans ma scolarité, et dont, avec le recul, j’ai vu qu’ils m’avaient empêchée de me lier plus tard avec bien des gens qui m’appréciaient sincèrement mais dont je m’étais convaincue qu’ils étaient hypocrites, et que j’ai rejetés par peur d’être moi-même rejetée.

Longtemps, pour me protéger, j’ai été évitante.

Je ne saurais trop expliquer ce qui s’est passé pour qu’aujourd’hui, cela aille mieux, mais le fait est que ça va mieux, beaucoup mieux. Evidemment, la thérapie m’a aidée, mais je crois aussi que l’Univers m’a envoyé les bonnes personnes au bon moment, et depuis quelque temps je me sens beaucoup plus entourée par des personnes qui apprécient réellement ma présence.

En juin, notamment, j’ai débarqué un peu sur un coup de tête à Paris chez Lucie, que je connaissais depuis longtemps via les réseaux mais que je n’avais jamais rencontrée, et là j’avais suffisamment confiance pour dormir chez elle : ma psy n’en revenait pas. Et tout s’est passé de manière fluide, évidente, et nous avons même rencontré une troisième petite extra-terrestre avec qui nous avons eu des conversations profondes jusque tard dans la nuit, avec cette impression délicieuse de se connaître depuis toujours. A mon retour, ma thérapeute m’a dit quelque chose de très joli, que ce que j’avais vécu au cours de ce week-end m’avait permis de voir que ma présence pouvait être appréciée, recherchée, et apporter de la joie aux autres.

Et comme toujours lorsqu’on progresse, l’Univers m’a envoyé un test de passage : au cours de l’été, deux événements m’ont mise face à ma plus grande angoisse. Deux événements où j’ai été soit rejetée et mise à l’écart avec la volonté de m’humilier et de me blesser pour l’un, soit moquée derrière mon dos (et sur un élément très précis qui est un déclencheur, en plus) mais le fait est que j’ai entendu. Et bien ces deux événements, qui m’auraient mise dans tous mes états et m’auraient fait refermer ma coquille il y a quelques mois seulement, m’ont certes chiffonnée, surtout sur le coup, mais sans plus. Et c’est là que j’ai compris qu’il s’était réellement passé quelque chose, et que j’étais aussi capable d’accepter de ne pas être aimée, parce que cela arrive aussi, sans en faire un drame et sans remettre toute mon existence en question.

Reste un point, que je croyais avoir réglé et qui n’est toujours pas résolu : le fait que chaque matin où je vais travailler, je me réveille écrasée par une angoisse qui me serre l’estomac, que je croyais liée à cette angoisse sociale et qui ne l’est vraisemblablement pas. Je crois qu’il s’agit davantage d’une angoisse métaphysique, celle de ne pas être à ma place et devoir faire quelque chose que je n’ai pas envie de faire : de me trahir, en somme.

Et pour ça, je n’ai pas encore trouvé le remède.

7 réponses à « Autour de l’angoisse »

  1. Avatar de David Jouas
    David Jouas

    Merci pour ce texte courageux, car on peut difficilement en parler, de ces mouvements de pensées éruptives. On peut les voir naître, une pensée, une image. Surtout se taire, pour ne pas faire d’erreur, ne pas passer pour un fou, laisser la vague passer, analyser une fois le calme revenu. Le grand incendie, le film dramatique, n’était qu’un feu de paille. La réalité souvent moins pire que ce que notre imagination a créé.

    J’aime

    1. Avatar de Caroline Doudet

      Oui c’est très difficile d’en parler, ceux qui n’y sont pas sujets ont du mal à comprendre !

      J’aime

  2. Avatar de davd22
    davd22

    Merci pour ce texte  courageux, car on peut difficilement en parler, de ces mouvements de pensées éruptives. On peut les voir naître, une pensée, une image. Surtout se taire, pour ne pas faire d’erreur, ne pas passer pour un fou, laisser la vague passer, analyser une fois le calme revenu. Le grand incendie, le film dramatique, n’était qu’un feu de paille. La réalité souvent moins pire que ce que notre imagination a créé. 

    J’aime

  3. Avatar de Introverti, extraverti, ambivert ou omnivert ? – Caroline Doudet

    […] semaine dernière, j’ai abordé la question de l’anxiété sociale (quelque chose que j’avais refusé de voir, d’ailleurs, dans mon article sur […]

    J’aime

  4. Avatar de Miss Zen

    Je trouve ton cheminement très inspirant et courageux. On a toujours tendance à éviter ce qui nous angoisse et c’est merveilleux de lire qu’on peut retrouver de la confiance, de l’audace en y allant en douceur certes mais en essayant quand même.

    Et je trouve cette phrase merveilleuse et tellement vrai : « La souffrance de l’imagination. »

    Aimé par 1 personne

    1. Avatar de Caroline Doudet

      C’est tout à fait ça !

      J’aime

Un petit mot ?

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Je suis Caroline !

Portrait plan américain d'une femme châtain ; ses bras sont appuyés sur une table et sa maingauche est près de son visage ; une bibliothèque dans le fond

Bienvenue sur mon site d’autrice et de blogueuse lifestyle, sur lequel je partage au quotidien ma manière poétique d’habiter le monde !