Sous le soleil de Toscane, de Frances Mayes

Lors de notre premier été ici, en 1990, j’ai acheté un grand cahier à la couverture de papier florentin relié de cuir bleu. Sur la première feuille, j’ai écrit : ITALIE. Il semblait prêt à recevoir des vers intemporels, mais j’ai commencé par y coucher des noms de fleurs sauvages, toutes sortes de projets, et du vocabulaire. J’y ai reproduit des mosaïques de Pompéi. J’y ai dépeint nos chambres, nos arbres et les cris des oiseaux. […] J’ai décrit les gens que nous avons rencontrés, les plats que nous avons préparés. Ce livre est devenu une chronique de nos quatre premières années de vie toscane. Il est aujourd’hui rempli de recettes, de reproductions sur carte postale et de poésies italiennes. On y trouve le plan d’une abbaye au rez-de-chaussée, plusieurs autres de notre jardin. Comme il est très épais, j’ai encore de quoi écrire plusieurs étés. Ce cahier bleu s’appelle maintenant Sous le soleil de Toscane, il est l’expression naturelle de mes premiers plaisirs ici. Restaurer, puis arranger la maison ; rendre à la jungle qui l’entourait sa fonction ordinaire de produire olive et raisins ; explorer les innombrables secrets de la Toscane et de l’Ombrie ; mitonner dans une autre cuisine et découvrir les liens, nombreux, entre les plats et la culture – autant de joies intenses qu’irrigue le sentiment profond d’apprendre une autre vie. La griffe de vigne que nous plantons soigneusement pour lui assurer d’autres étés devient aisément la métaphore d’une existence que nous devons transformer de temps à autres pour nous permettre d’avancer dans notre vie intérieure.

Après mon coup de cœur pour Frances Mayes et ses Saveurs Vagabondes, le troisième de ses récits autobiographiques, j’ai eu naturellement envie de me plonger dans les deux autres, à commencer par ce Sous le soleil de Toscane qui a inspiré un film délicieux, même s’il n’a rien à voir avec ce récit dont nous parlons aujourd’hui, qui n’est absolument pas une comédie romantique.

Tout commence lorsque la narratrice et son mari Ed achètent une maison en Toscane (et acheter une maison est déjà une grande affaire en Italie), dans le petit village de Cortona : Bramasole – qui se languit du soleil. Commencent alors les longs travaux pour redonner à cette magnifique villa son lustre d’antan (et les travaux en Italie, c’est une aventure en soi), les choix et les aménagements pour en faire un foyer, puisqu’il est entendu pour Frances qu’elle a enfin trouvé le lieu où elle se sent chez elle, même si pour le moment les séjours italiens se réduisent à l’été (Ed et elles vivent et enseignent en Californie). Il est question de cuisine (le récit est émaillé de recettes alléchantes) et de douceur de vivre. Il est aussi question de voyages, puisqu’à partir de Bramasole le couple découvre l’Italie en cercles concentriques, avec souvent l’objectif noble d’acheter du vin et de goûter les spécialités locales.

Le plaisir que j’ai pris à cette lecture est indicible : c’est une ode à la vie, à la jouissance, à la sensorialité, et au pays qui l’incarne si bien.

C’est aussi une réflexion, souvent métaphorique, sur la quête de soi, à travers celle d’une maison dont on fait son foyer : la quête d’une maison se fait quête d’une nouvelle identité, le choix de l’Italie permettant de découvrir un nouveau soi à l’étranger – en plus des qualités intrinsèques du pays choisi : l’insouciance, la capacité à bien vivre chaque instant, la recherche constante de la beauté. Construire une maison, ou la rénover, c’est aussi donner forme au soi.

Mais tout cela se fait en gardant le goût du voyage, de la découverte (c’est le sujet de ma dernière Escale Poétique, d’ailleurs, tant ce récit m’a plongée dans des abîmes que questionnements métaphysiques, et les prochaines lettres seront elles aussi nourries de ma lecture de Frances Mayes). Encore une fois, je n’ai cessé de me dire que je voulais cette vie-là : vivre, aimer, écrire ( le récit comporte beaucoup de réflexions sur l’écriture et les sujets qui nous appellent) et voyager, et encore une fois j’ai noté des dizaines d’adresses à tester sur ma carte Mapstr.

Indéniablement, cette lecture m’a profondément nourrie, j’aurais voulu que le récit ne s’arrête jamais – et, sitôt refermé, j’ai lu un autre livre aux mêmes accents toscans, avant de plonger dans Bella Italia, et nous reparlerons très vite de ces autres lectures.

Sous le soleil de Toscane. Une maison en Italie (lien affilié)
Frances MAYES
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean-Luc Piningre
Quai Voltaire, 1998 (Folio, 1999)

2 réponses à « Sous le soleil de Toscane, de Frances Mayes »

  1. Avatar de Mille jours en Toscane, de Marlena de Blasi – Caroline Doudet

    […] pour le beau, la douceur de vivre et la cuisine, d’abord avec Frances Mayes, et notamment Sous le soleil de Toscane, et Marlena de Blasi qui, après avoir passé Mille jours à Venise, s’installe elle aussi en […]

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  2. Avatar de Bella Italia, de Frances Mayes – Caroline Doudet

    […] on part en Italie, avec un nouveau récit de Frances Mayes, Bella Italia, une sorte de suite à Sous le Soleil de Toscane et qui, dans l’ordre d’écriture, précède Saveurs Vagabondes. C’est le dernier […]

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