Notes de chevet, de Sei Shônagon illustrées par Hokusai : voyage poétique

Le premier jour de l’année, surtout, me plaît. Le ciel pur se voile d’une merveilleuse brume. Tous les hommes soignent particulièrement leur figure et leur tenue, ils présentent leurs souhaits au Prince et aussi à eux-mêmes. C’est vraiment ravissant.

Il n’y a pas si longtemps que je vous avais parlé des Notes de chevet de Sei Shônagon, regrettant d’avoir dû me rabattre sur une sélection d’entrées et non l’œuvre intégrale. Je l’avais dit : ce que je voulais, c’était cette édition, complète et illustrée par Hokusai, qui était dans ma liste d’envies depuis une éternité, mais coûtait très cher.

Or, il s’est produit deux choses : d’abord, les éditions Mazenod ont fait une éditions plus petite que la première, donc plus maniable et un peu moins chère. Surtout, cet ouvrage va sortir du catalogue très bientôt, et c’était donc l’occasion ou jamais de l’avoir. Et je voulais, vraiment, l’avoir tant cette œuvre m’inspire d’émerveillement. Donc, je me suis, avec un ravissement certain, et sans trop résister non plus, laissé tenter.

Et je peux vous assurer que je ne regrette pas de m’être offert ce beau cadeau : entre les textes émerveillants et inspirants de Sei Shônagon, qui me servent d’ailleurs pour un projet dont je vous parlerai très bientôt, et les magnifiques estampes d’Hokusai, je ne cesse d’y plonger mon âme pour la nourrir, et elle en est ravie. C’est un très très bel objet, que j’ai mis sur mon bureau pour qu’il m’accompagne au quotidien !

Notes de chevet
Sei SHÔNAGON
Illustrées par HOKUSAI
Traduction par André Beaujard
Citadelles/Mazenod, 2020

Choses qui rendent heureux et autres notes de chevet, de Sei Shônagon : journal d’émerveillement

En automne, le lendemain d’un jour où la tempête a fait rage, on ressent une étrange impression de tristesse. Les clôtures à claire-voie, faites de bambous, les paravents extérieurs sont renversés les uns à côté des autres, et l’aspect du jardin est pitoyable. On est déjà peiné en voyant un grand arbre abattu, dont le vent a rompu les branches. Mais quelle douloureuse surprise, lorsqu’on s’aperçoit qu’après avoir oscillé, il s’est couché, tout de son long, sur les lespédèzes et les valérianes !

J’ai découvert Sei Shônagon il y a plusieurs années de cela, lors d’un atelier d’écriture au cours duquel l’animateur, François Bon, nous a proposé d’écrire sur une de ses Notes de chevet, « choses qui rappellent un doux souvenir du passé ». Je me suis d’ailleurs laissé dire que nombre d’entrées de ce recueil peuvent aisément servir de déclencheurs d’écriture, et c’est l’une des raisons pour lesquelles il était sur ma liste. Sauf que je le voulais dans la sublime édition Citadelle/Mazenod, illustrée d’estampes, que vu le prix j’ai mis plusieurs fois sur ma liste au Père Noël, mais ce n’est pas le genre de choses que j’achète moi-même. Bref, l’autre jour, j’ai fini par craquer, et acheter cette petite édition poche, qui contient une sélection de ces textes.

Les notes de chevets, c’est une sorte de journal, non daté, mêlant poésie et prose, fragments, listes disparates et petits textes plus construits sur les fleurs, le vent ou encore les oiseaux.

J’ai été très frustrée, car cette édition ne propose qu’un nombre réduit d’entrées, et j’en aurais voulu plus, tant c’est un ravissement pour l’âme. J’utilise souvent cette expression, mais Sei Shônagon, véritablement, habite poétiquement le monde : elle sait en saisir toute la beauté, celle des petits instants d’émerveillement, les arbres en fleur, les nuages, la lune, toute la palette des émotions. Tous ces textes sont d’une grande délicatesse, d’une grâce infinie, où perce parfois un trait d’humour, et parfois une pointe de snobisme. Mais c’est merveilleux et inspirant, tant nombre de chapitres donnent envie d’écrire à son tour : les choses qui rendent heureux, les choses impatientantes, les choses qui émeuvent profondément, les sujets de poésie, les choses qui font battre le cœur…

Choses qui rendent heureux et autres notes de chevet
Sei SHÔNAGON
Traduit du japonais par André Beaujard
Gallimard, 2021