Costumes espagnols entre ombre et lumière, à la maison de Victor Hugo

Costumes espagnols entre ombre et lumière, à la maison de Victor HugoNouvelle exposition hors les murs du palais Galliera, « costumes espagnols entre ombre et lumière » est le second volet de la saison espagnole du musée de la mode de la ville de Paris, après « Balenciaga l’oeuvre au noir » au musée Bourdelle  et avant la rétrospective consacrée à Fortuny qui s’ouvrira le 4 octobre. Le choix de la maison de Victor Hugo place des Vosges (où je n’étais pas revenue depuis un certain temps) n’est pas anodin, puisqu’on sait notre écrivain national hispanophile, et d’ailleurs l’exposition principale est complétée dans l’appartement et dans les escaliers par les souvenirs espagnols de Totor (dessins, journal de voyage, lettres…) et nombre de documents sur les mises en scènes de ses pièces espagnoles Ruy Blas et Hernani.

L’exposition principale quant à elle propose un ensemble de costumes traditionnels espagnols (fin du XIXe – début du XXe) issu des collections du Museo del Traje, le Musée du Costume et du Patrimoine ethnologique à Madrid, mise en miroir avec une importante sélection de photos de José Ortiz Echague (1886-1980).

La très belle scénographie, très théâtrale avec ses jeux de lumière mettant parfaitement en valeur les costumes, permet de saisir toute la variété de ces costumes traditionnels, qu’ils soient costumes du quotidien ou costumes de cérémonie et notamment de mariage, costumes du peuple ou costumes des nobles : si dans la première salle les vêtements exposés peuvent sembler austères, c’est ensuite la couleur et la magnificence qui sautent aux yeux. Broderies, dentelles, passementerie, chaussures, chapeaux, bijoux, châles, tous ont été l’objet d’un travail minutieux et sont de véritables oeuvres d’art pour certains. Le plaisir esthétique se double d’un intérêt ethnologique : chaque région a ses caractéristiques propres, qui apparaissent comme évidentes dans le costume, expression de l’âme d’un peuple : on voit bien, par exemple, l’influence évidente du monde arabe sur le sud de l’Espagne et notamment l’Andalousie bien après la Reconquista avec des costumes féminins assez austères et comprenant un voile (qui n’est pas une invention musulmane, cela dit).

Bref, une très belle exposition, enrichissante et instructive !

Costumes espagnols entre ombre et lumière
Maison de Victor Hugo
6 place des Vosges
Jusqu’au 24 septembre

Les Hugo, une famille d’artistes à la maison de Victor Hugo

Dans la famille Hugo, je demande… tout le monde. Et oui : le propos de cette exposition est de montrer comment la créativité artistique a pu animer toute une famille, et lui rendre hommage à travers un parcours qui occupe toute la maison de notre cher Totor, place des Vosges, et nous permet de voyager dans la famille, de génération en génération, jusqu’à aujourd’hui.

Evidemment, à tout seigneur tout honneur, un large espace est consacré au Maître lui-même, mais pas l’écrivain : ici, c’est le dessinateur et le décorateur qui sont mis en valeur, avec notamment la reconstitution des lieux qu’il a voulu à son image : Hauteville House à Guernesey, le salon chinois de la maison de Juliette Drouet à Guernesey.

Meubles, textiles, faïences, panneaux peints, mais aussi dessins (la série des souvenirs). L’ensemble est complété par des photographies des lieux tels qu’ils étaient à l’époque, ce qui donne une curieuse impression de mise en abyme. C’est extrêmement chargé, presque baroque, et partant assez impressionnant !

Faisons désormais connaissance avec le reste de la famille, qui s’est également adonnée à l’art : Julie Duvidal de Montferrier (belle-sœur de Victor Hugo dont elle a épousé le frère Abel), peintre d’histoire et portraitiste ; Adèle Foucher-Hugo, l’épouse, qui a appris le dessin avec Julie Duvidal ; François-Victor, le fils, journaliste et traducteur de Shakespeare, qui dessine également ; Charles, le fils aîné, journaliste et photographe ; Adèle, la fille cadette, musicienne ; Léopold, le neveu (fils d’Abel et de Julie Duvidal de Montferrier), scientifique mais aussi sculpteur, peintre, dessinateur et graveur ; Georges, le petit-fils, peintre et dessinateur ; Jean, arrière petit-fils, peintre, décorateur et illustrateur ; Jean-Baptiste, arrière-arrière petit-fils, photographe, et Marie, arrière-arrière petite-fille, peintre : ces deux derniers sont encore vivants et travaillent sur la mémoire de Hauteville House.

Alors, le génie se transmet-il par le sang ? Oui et non. Certains Hugo ont clairement un talent fou, d’autres ne doivent leur succès qu’à leur nom probablement, ce qui donne une exposition parfois inégale, mais dans l’ensemble assez sympathique parce que, malgré tout, c’est amusant de constater que si le talent ne tombe pas du ciel, il est probable que le contexte familial aide à trouver la voie de la création.

Les Hugo, une famille d’artistes
Maison de Victor Hugo
Place des Vosges
Jusqu’au 18 septembre 2016

Éros Hugo – Entre pudeur et excès, à la maison de Victor Hugo

Ce qu’on appelle passion, volupté, libertinage, débauche, n’est pas autre chose qu’une violence que nous fait la vie — Victor Hugo

En ce moment, tous les musées semblent s’encanailler, et proposent des expositions, plus ou moins sulfureuses, qui parlent de désir, d’érotisme et de sensualité. Il faut dire que ce genre de thématiques attire le public (je plaide coupable !).

C’est au tour de la maison de Victor Hugo de s’intéresser à cette question, et j’ai trouvé que c’était une bonne idée de vous en parler pour bien commencer l’année 2016 !

Eros Hugo copyright Benoit Fougeirol Terra Luna Films
Eros Hugo copyright Benoit Fougeirol Terra Luna Films

Pourtant, si la tradition littéraire française semble vouer un culte au genre érotique, le cas de Victor Hugo est paradoxal : d’un côté son œuvre, qui reste toujours sage, sensuelle éventuellement mais jamais érotique et encore moins pornographique, et de l’autre sa vie, marquée par une grande vitalité sexuelle.

C’est cette double face que se propose d’explorer la présente exposition, en montrant l’étroite correspondance entre la vie et l’œuvre de Victor Hugo, en le replaçant parmi ses contemporains, et en émettant l’hypothèse que si les écrits restent pudiques, c’est pour tenter de canaliser les excès du désir, un désir qui déborde de la dimension purement sexuelle pour en réalité tout gouverner et nourrir la création, et notamment la création poétique.

Le parcours s’organise de manière chronologique, en trois périodes : une première, qui va de 1820 à 1832, nous montre un Hugo assez chaste dans la première période de son mariage avec Adèle, les deux étant arrivés vierges devant l’autel ; il y a quelque chose de mystique dans sa conception de l’amour, dans ses œuvres il est passion, mais l’avidité charnelle est contenue.

Le deuxième Hugo, celui de 1829 à 1851, s’affranchit des carcans tant sur le plan esthétique (avec notamment Hernani) que sur le plan moral : il rencontre Juliette Drouet, mais ne s’interdit pas de batifoler avec nombre d’autres, y compris lorsque cette autre est déjà la maîtresse de son fils : si son œuvre tait tous les excès (les textes les plus explicites ne seront révélés qu’à titre posthume), sa vie les rend évidents.

Eros Hugo copyright Benoit Fougeirol Terra Luna Films
Eros Hugo copyright Benoit Fougeirol Terra Luna Films
Eros Hugo copyright Benoit Fougeirol Terra Luna Films
Eros Hugo copyright Benoit Fougeirol Terra Luna Films

Enfin, la dernière période qui va de 1852 à 1870 nous montre un Hugo accordant une place centrale à la femme, dans sa vie comme dans son œuvre. Elle est à la fois l’Ève et la bacchante, la reine et l’esclave, la pudeur et la tentation, l’esprit et la chair. Mais son destin est de finalement céder à la flamme qu’elle a allumée dans le corps de l’homme.

Enfin, une dernière section, non chronologique, intitulée « Eros« , s’intéresse à cette question du désir comme moteur essentiel du monde. Le grand Pan, cosmique et redoutable, ivre d’amour et de poésie.

Eros Hugo copyright Benoit Fougeirol Terra Luna Films
Eros Hugo copyright Benoit Fougeirol Terra Luna Films

Voilà une très belle exposition, d’une grande richesse, qui interroge notre monde autour de l’hypothèse de cette toute-puissance du désir, à laquelle je souscris totalement. L’approche est résolument originale, et si elle met les sens en éveil, ce n’est pas du racolage et l’intellect est tout autant sollicité voire plus.

Beaucoup d’œuvres contemporaines de Hugo sont à admirer : des sculptures de Pradier, de Rodin, des peintures de Böcklin, Cabanel, Chassériau, Corot, Courbet, des dessins et gravures de Boulanger, Ingres, Delacroix, Devéria, Gavarni, Guys, Rops, des photos de Félix Moulin, de Vallou de Villeneuve.

Quelques œuvres réellement érotiques, qui permettent de saisir le contraste avec les écrits hugoliens, très sages. Dans chaque salle, on peut aussi écouter des lectures de textes et saisir les nuances d’une époque à une autre.

Eros Hugo – Entre pudeur et excès
Maison de Victor Hugo
6, place des Vosges-75004 Paris
Jusqu’au 21 février 2016

Entrée des médiums, à la maison de Victor Hugo

Vous l’aurez sans doute remarqué, je m’intéresse de très près à tout ce qui touche au domaine de l’ésotérisme. Sans y croire vraiment malgré certaines expériences troublantes, je trouve cela assez fascinant, notamment lorsque cela mène à s’interroger sur la question de la création littéraire et artistique : l’inspiration, l’enthousiasme, tout ça.

Je ne sais pas si ceux qui écrivent aussi confirmeront que ça leur est déjà arrivé, mais parfois, j’ai le sentiment que les mots, les phrases, les histoires s’imposent à moi, comme si elles étaient dotées d’une vie propre, ou comme si on me les envoyait de l’extérieur.

Et bien tout cela, c’est le sujet d’une exposition que je suis allée voir la semaine dernière à la maison de Victor Hugo (place des Vosges, que j’aime tant) et que j’avais vue annoncée dans Lire, mais dont me semble-t-il on n’a guère entendu parler ailleurs.

Le propos de cette exposition est donc de porter un regard historique sur les productions artistiques du spiritisme, à partir de l’expérience hugolienne.

La section d’introduction, « Autour de la table », présente ainsi le dispositif des séances telles que Delphine de Girardin les introduit chez Victor Hugo en 1853, ainsi que les principaux participants à ces séances.

La deuxième section, « Ce que dit la bouche d’ombre…« , pose la question des relations entre Victor Hugo et son fils Charles, qui était le véritable médium de ces séances, et propose aussi, dans une alcôve, quelques souvenirs de Léopoldine (notamment sa robe et sa couronne de mariage), qui sera le premier esprit à se manifester lors des séances.

Ensuite viennent deux sections en miroir : « artistes médiums » nous montre comment certains artistes (par exemple Victorien Sardou), lors de périodes spirites, produisent des œuvres d’une totale originalité par rapport à ce qu’ils font d’habitude ; « médiums artistes » nous présente les œuvres de médiums souvent d’origine modeste et sans éducation artistique.

La cinquième section, « La métapsychique » s’intéresse aux relations des savants et des médiums à travers une science cherchant à expliquer ce que l’on croyait impossible.

Evidemment, une section, la sixième, est consacrée aux surréalistes : « André Breton, Le message automatique » montre ainsi les œuvres médiumniques de Desnos ou encore Man Ray.

Enfin, en guise de conclusion ou d’épilogue, la dernière section présente les œuvres de plusieurs artistes et notamment de Philippe Deloison, qui témoignent de la permanence de l’art spirite.

Alors, que l’on y croie ou non, cette exposition demeure fascinante et ne laisse d’interroger sur cette esthétique particulière, cette imagination nouvelle, d’où qu’elle vienne finalement. Certaines œuvres sont fascinantes, parfois effrayantes par les questions qu’elles suscitent, l’alcôve consacrée à Léopoldine est bouleversante, et j’ai quant à moi passé un très bon moment très enrichissant dans ce lieu…

Entrée des médiums. Spiritisme et art de Hugo à Breton
Maison Victor Hugo
6, place des Vosges
Du 18 octobre 2012 au 20 janvier 2013