Valmont, de Milos Forman

Monsieur de Valmont est un rude épistolier, non ?

L’autre jour, j’effectuais quelques recherches sur Laclos et les Liaisons dangereuseset j’ai eu subitement envie de revoir cette adaptation par Milos Forman, car je ne m’en souvenais pas bien (alors que celle de Frears est au contraire très présente à mon esprit).

Après avoir passé trois ans au couvent, la jeune Cécile de Volanges, 15 ans, en sort pour se marier avec un homme obsédé par son innocence et sa pureté, et fait son entrée dans le monde. Sa mère confie son éducation à la Marquise de Merteuil, afin qu’elle acquière un peu de sagesse. Mais Merteuil est bien décidée à se venger du futur mari, qui était son amant, et l’a humiliée.

Or, il vaut mieux marcher sur la queue d’un serpent que d’humilier une femme, et elle charge le vicomte de Valmont de faire en sorte que la jeune fille soit tout sauf vierge le jour de son mariage. D’abord réticent (une fille qui sort du couvent ? trop facile), il se décide lorsque Mme de Volanges médit à son sujet après de sa dernière toquade, la très prude présidente de Tourvel.

Le film est très librement adapté de Laclos, et constitue une œuvre à part entière : la fin, notamment, n’est pas du tout celle du roman, ce que je trouve d’ailleurs intéressant car du coup Forman s’affranchit de la dimension morale de l’œuvre originale.

Et l’ensemble ne manque pas de panache : les décors sont somptueux, les costumes également, et il plane sur l’ensemble une atmosphère très libertine et insouciante, tel qu’on imagine le XVIIIe siècle français, sa galanterie, son marivaudage. Traversé par le désir, le film jouit d’une tension érotique palpable tout du long, doublée d’une réelle cruauté.

Forman épaissit le sens du roman, lui donne un nouveau souffle : les deux personnages de libertins occupent tout l’espace de leur puissance et de leur charisme, les autres n’étant que des pantins effacés.

Cela tient évidemment au casting : Annette Bening joue parfaitement les fausses innocentes manipulatrices, et Colin Firth incarne un Valmont tout en innocence : cela vient probablement de l’effet halo, les rôles de gentils amoureux dans lesquels on a l’habitude de le voir débordant sur ce Valmont. Le reste des acteurs a autant de charisme qu’une biscotte sans beurre, sauf la vieille dame (Fabia Drake) qui joue Madame de Rosemonde et qui est formidable.

Bref : un film grandiose, impeccablement filmé, soutenu par une musique parfaitement choisie, mais au casting pas terrible : sur ce dernier point, je préfère largement les choix de Frears (je crois que je vais y rejeter un oeil du coup).

Valmont
Milos FORMAN
1989

Amadeus, de Milos Forman

That was Mozart. Wolfgang Amadeus Mozart.

Lorsque l’an dernier j’arpentais les rues de Prague, et notamment en passant au théâtre des Etats, où ont été tournées certaines scènes du chef d’œuvre de Milos Forman, je me suis promis de revoir ce film dès que l’occasion se présenterait. On notera qu’elle a mis un an à le faire mais enfin, comme je dis toujours, mieux vaut tard que jamais…

Vienne, 1823. Un vieil homme tente de se trancher la gorge, s’accusant d’être responsable de la mort de Mozart. Interné, il reçoit la visite d’un prêtre, à qui il se confesse. Ce vieil homme, c’est Salieri, et il raconte son histoire : celle d’un musicien talentueux et entièrement dévoué à son art, dévoré par la jalousie qu’il éprouve envers un authentique génie.

Tout est donc vu du point de vue de Salieri, qui se retrouve, de fait, être le véritable personnage principal du film, et ce pas de côté permet à Forman d’éviter les pesanteurs du biopic traditionnel pour au contraire nous proposer un véritable chef-d’œuvre, atteignant à l’occasion le mythique et le sublime.

Mozart vs Salieri : tout le film se construit sur cette simple opposition qui en recouvre beaucoup d’autre : l’austérité et la joie, la pulsion de mort et la pulsion de vie, et surtout, le talent travaillé de l’artisan et le pur génie habité par l’enthousiasme et l’inspiration. Car c’est bien ce qu’est Mozart : le génie absolu, anticonformiste, d’un orgueil démesuré et animé d’une force vitale qui emporte tout avec elle.

Forman prend des libertés avec l’histoire, et il fait bien : la scène d’écriture à quatre main du Requiem, apocryphe, est un pur chef d’œuvre. Et si le film est réussi, c’est que Mozart dépasse sa propre personne : il est moderne parce que le génie est intemporel, et le film nous le montre comme une véritable rock star, mélange de Kurt Cobain et d’Elton John, excessif, excentrique, parfois à la limite de la folie. Et son rire, ce rire dionysiaque et presque démoniaque.

Totalement décadent, Amadeus est de ces films qui nous envoûtent et qu’on voit et revoit avec toujours le même bonheur. Quant à la BO… elle est la plus sublime qu’on puisse imaginer.

Amadeus
Milos FORMAN
1984/2002 (director’s cut)