Les Impies étaient un groupe de mortels qui avaient rejeté les dieux lorsque ceux-ci étaient venus sur Terre. S’étant sentis abandonnés par eux, ils ne souhaitaient pas leur obéir. Il y avait eu une révolte, et deux camps s’étaient formés. Même les dieux qui soutenaient les Impies avaient utilisés les mortels comme des marionnettes, les traînant sur les champs de bataille si bien que, pendant un an, il ne régna sur Terre que destruction, chaos et combats. Lorsque la guerre prit fin, les dieux promirent aux mortels une vie nouvelle, plus belle encore que l’Elysée (apparemment, Hadès n’avait pas apprécié), et les dieux avaient tenu leur promesse, réunissant les continents, baptisant cette terre moderne Nouvelle Grèce, la divisant en territoires dotés de grandes et belles villes.
Une lecture qui commence à dater, mais dont je n’avais pas encore parlé. Officiellement, j’attendais que la série soit complète (elle ne l’est pas). Mais en réalité, je pense que c’est parce que mine de rien, cette série a remué beaucoup de choses très profondes. Le mythe de Perséphone est fondateur pour moi, et après avoir lu ce qu’en disait Marie Sélène dans Déchaîne tes mémoires, j’avais éprouvé le besoin d’écrire ma propre version (qui sortira un jour…) ; et l’après-midi même, je tombe sur le premier tome de la saga. C’était un signe, et j’ai lu les trois en l’espace de trois jours. Mais, je n’arrivais pas à en parler et j’imagine que si je le fais aujourd’hui, c’est que quelque chose s’est dénoué (d’ailleurs je le sens : actuellement beaucoup de choses sont en train de se dénouer).
Depuis que les dieux sont descendus vivre parmi les hommes, ils mènent une vie prospère d’entrepreneurs. Hadès, par exemple, possède une boîte de nuit (tiens donc ?) dans laquelle il propose aux humains de miser leur âme contre leur désir le plus cher. Ils perdent souvent. Perséphone, quant à elle, a « choisi » (mais sa mère lui laisse-t-elle vraiment le choix ?) de cacher sa nature, y compris à ses semblables, et étudie sagement le journalisme, étroitement surveillée par Déméter. Mais un soir, elle se retrouve dans la boîte de nuit d’Hadès, et parie contre lui.
Alors, bien sûr, il s’agit d’une New Romance qui suit le schéma du genre : une jeune vierge inexpérimentée face au mâle ténébreux (et question mâle ténébreux, Hadès se pose là) qui la révèle à elle-même. C’est parfois très maladroit (mais je soupçonne par moments une mauvaise traduction), et tout est construit autour des scènes de sexe, qui abondent (et sont plutôt pas mal écrites). Cela dit, contrairement à ce que j’ai pu lire sur ces romans, il n’y a aucune romantisation de la violence. Hadès ne force jamais Perséphone à rien et leur relation n’est pas du tout abusive et il n’y a même pas de SM ne serait-ce que léger : certes Hadès passe son temps à dire à Perséphone qu’il va la punir (il faut dire que dès qu’il y a une bêtise à faire, elle plonge) mais il ne le fait absolument jamais. Et s’il y a violence contre une femme (et oui, il y en a) elle est condamnée et punie.
Voilà pour l’emballage. Mais. Je soupçonne Scarlett St Clair de se servir du genre de la new romance comme cadre vendeur pour explorer des choses essentielles. Ici, son interprétation du mythe de Perséphone (et c’est la mienne aussi, mais il y a querelle sur la question) comme une femme empêchée, et le personnage négatif est celui de Déméter, qui incarne une mère abusive et contrôlante. De fait, Perséphone est assez nulle comme déesse du printemps : elle possède un immense pouvoir mais elle ne le sait pas, elle est incapable de faire pousser la moindre fleur tant qu’elle est corsetée par sa mère. Elle ne laisse pas le désir, la pulsion de vie la traverser afin de créer et ça, il n’y a qu’Hadès qui peut le lui donner.
C’est donc l’histoire d’une femme qui explore son ombre, tout ce qui l’empêche d’être authentiquement elle-même, et qui l’apprivoise afin de s’en servir pour exprimer sa pleine puissance. Retrouver la déesse en elle. Et tout cela dans un univers très riche, qui laisse augurer d’autres aventures, à la fois moderne et mythique. Très influencée visiblement par Nail Gaiman (pas seulement à cause d’un Hadès très luciférien, qui ne punit pas mais permet aux humains de prendre conscience de leur libre-arbitre : il y a aussi des éléments parfois très parodiques, qui viennent apporter une touche de fraîcheur et d’humour dans une histoire qui reste sombre, mais sombre comme l’est la danse d’Eros et Thanatos), cette série nous montre encore une fois l’importance des mythes.
En somme, ne vous arrêtez pas à la couverture (par ailleurs très belle) et au genre : j’ai cru me plonger dans une lecture « facile » et addictive (et au premier degré, elle l’est), mais elle m’a aussi permis de me poser beaucoup de questions et d’explorer des choses dont je n’avais pas conscience !
Hadès & Perséphone – Tomes 1, 2 et 3
Scarlett St CLAIR
Traduit de l’anglais par Robyn Stella Bligh
Hugo Roman, 2022