Je vois dans l’écriture d’un journal intime la communion d’une âme avec elle-même dans la sincérité et la liberté les plus absolues — où s’expriment la peine, la joie, les rêves et les critiques de la vie. En lui, doivent se libérer toutes nos facultés réprimées ou diminuées ; il doit être repos ou abandon, réitération positive des événements, lieu privilégié où déverser ses émotions, ses confessions, ses critiques, ses blâmes, réservoir de beauté, d’inspiration, de connaissances ; il permet aussi de suivre et de découvrir ses mêmes idées, de développer sa philosophie, il encourage à la perfection ; il est le rappel des moments les plus lucides et les plus exaltants de sa vie intellectuelle et aussi des instants les plus doux et les plus précieux de sa vie affective. (Anaïs Nin)
En fin d’année, j’ai terminé un nouveau tome de mon journal poétique, le vingtième au total et le cinquième dans sa version illustrée — un journal où je ne fais pas qu’écrire, mais dans lesquels je dessine et peins, où je colle fleurs, cartes postales, prospectus, images diverses et même photos.
Cela a été l’occasion pour moi de refeuilleter l’ensemble, de relire certains passages, et de me rendre compte à quel point ma pratique avait évolué et était devenue un des piliers de ma vie et de mon équilibre (relatif, mais équilibre tout de même).
La seule chose qui n’a pas changé, c’est la marque de mes carnets : Moleskine, pages blanches. Sinon, je suis passée du petit carnet A6 couverture souple au carnet A5 couverture rigide (que je ne transporte donc plus dans mon sac pour écrire aux terrasses des cafés, ou alors très rarement) et d’un carnet contenant exclusivement de l’écriture, au feutre noir, à un mix d’écriture (aujourd’hui à la plume) et de collages divers.
Je suis aussi passée, au fil du temps, d’une pratique erratique à une pratique strictement quotidienne. Et quand je dis strictement ce n’est pas une figure de style : j’écris dans mon journal absolument tous les jours, quel que soit mon état et le lieu où je suis. Parfois seulement quelques lignes, mais tous les jours.
C’est un véritable rituel. Avant, il se déroulait le matin, parfois en journée lorsque j’avais une problématique précise ou pour faire un tirage de Tarot puisque je fais tout dans ce journal y compris les tirages de Tarot, et le soir. Actuellement, j’ai transféré l’écriture matinale dans les pages du matin (qui ne sont pas du journaling) et je me contente d’écrire la date, les cartes du jour, et l’intention.
J’écris encore régulièrement dans la journée.
Mais le pilier central, celui qui tient tout l’édifice, c’est le journaling du soir, pour clore la journée et en faire le bilan. C’est tellement un impératif pour moi que je suis perturbée simplement si je décale l’heure pour une raison ou une autre. C’est mon moment d’introspection essentiel : comment je me sens, ce que j’ai fait dans ma journée (et souvent je colle des petits souvenirs et notamment des photos, d’autant que j’ai reçu une petite imprimante spéciale à Noël, je vous en reparle dans les favoris du mois), parfois je creuse mes pensées sur tel ou tel sujet, mes lectures et les questionnements qu’elles soulèvent. Et je termine par 3 gratitudes, même si j’avoue qu’en ce moment c’est un peu forcé certains jours.
C’est de l’hygiène, exactement comme prendre une douche ou se laver les dents, mais au niveau des émotions, et je sais que cette pratique m’a, pour ainsi dire, sauvé la vie, en ce sens qu’elle me permet déjà d’avoir une pratique quotidienne de l’écriture, ce qui est vital pour moi, mais aussi parce qu’elle m’a permis de démêler bien des pelotes, de mettre au jour peurs et blocages, blessures parfois. Ou jolies choses : il y a quelques années, c’est grâce à mon journal que j’ai pris conscience que j’étais amoureuse, parce que je parlais de lui tous les jours.
En fait, je crois que je serais prête à militer pour qu’on enseigne aux enfants, dès qu’ils savent écrire, la pratique du journal : si chacun était conscient de ce qui se passe en lui, était capable de démêler ses émotions, de repérer ses déclencheurs, je pense que le monde irait mieux !
Et vous, vous tenez un journal ?