La Grande Bellezza, de Paolo Sorrentino

Je cherchais la grande beauté. Mais je ne l’ai pas trouvée.

Dimanche soir, après avoir regardé le replay de la Grande Librairie que j’avais loupée pour cause de cocktail et de Montparnasse by night, je cherchais un film assez long pour m’occuper tranquillement jusqu’à l’heure des résultats : celui-ci durant 2h20, c’était pile le temps dont j’avais besoin. Parfois, la vie tient à de ces hasards !

Jep Gambardella est un mondain. Il est même le roi des mondains, présent à toutes les soirées et fêtes romaines, où son esprit caustique séduit. Journaliste à succès, grand séducteur malgré son âge, il a écrit dans sa jeunesse un roman qui lui a valu un prix littéraire et une réputation d’écrivain frustré. Il cache désormais son désarroi et sa désillusion derrière une attitude cynique et désabusée. Revenu de tout, Jep rêve pourtant parfois de se remettre à écrire…

Un film d’une grande force poétique et onirique, esthétiquement très beau, dont se dégage une cruauté parfois très drôle, mais surtout quelque chose de profondément mélancolique et désabusé, à la fois shakespearien et fitzgéraldien. Evidemment, on ne peut qu’avoir le souffle coupé devant Rome et sa splendeur, la Grande Beauté de l’art et de la littérature et sa décadence. C’est un petit peu long (mais les circonstances pèsent peut-être sur ce sentiment), mais très beau.

La Grande Bellezza
Paolo SORRENTINO
2013

The Young Pope, de Paolo Sorrentino

I love myself more than my neighbor, more than God. I believe only in myself.

La série événement de la fin d’année 2016. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre, mais je l’ai regardée pour de basses raisons de mancrushing, Jude Law avec ou sans soutane me donnant de furieuses envies de luxure.

Le pitch ? Une révolution au Vatican : l’élection d’un « jeune » Pape, et du premier Pape américain de l’histoire, en la personne de Lenny Belardo, un orphelin qui prend le nom peu engageant de Pie XIII, et dont les lubies pourraient faire s’effondrer l’Eglise.

Alors, évidemment, c’est sublimement filmé, magnifiquement interprété, très esthétique, parfaitement scénarisé, oscillant entre des moments de grâce pure et de burlesque, mâtiné d’un côté House of cards au Vatican.

L’ouverture est captivante, et intrigante, avec Lenny sortant de sous une montagne de bébés, et prononçant un discours absolument sublime face aux fidèles rassemblés place saint-Pierre : au discours habituels sur l’amour, il ajoute un plaidoyer pro-masturbation, pro-avortement, pro-mariage gay, pro-mariage des prêtres, pro-droit à choisir sa mort, pro-sexe pour le plaisir, pro-divorce, pro-PMA, en somme, un discours pour le bonheur et la liberté.

Les cardinaux en tombent à la renverse. On se dit alors que ce Pape-là est plutôt Rock n’roll. Mais. Si ce Pape fume comme un pompier et boit du Cherry Coke au petit déjeuner, c’est bien tout ce qu’il a de rock. Parce que ce discours, ce n’était qu’un rêve.

Voilà alors le spectateur perdu, en tout cas moi. Au milieu d’un Vatican corrompu, pourri jusqu’à la moelle par la politique et l‘argent (le moindre tapis vaut assez cher pour nourrir toute l’Afrique) et à la grandiloquence ritualisée assez ridicule (Louis XIV à côté c’était la vie simple), Lenny détonne. Mais.

Ne vaut-il pas mieux un politicien corrompu comme Voiello (corrompu mais qui a un bon fond, en fait) qu’un psychopathe illuminé, tel qu’apparaît Pie XIII dans la majeure partie de la saison, illuminé intransigeant sur l’infaillibilité pontificale, la négation du libre-arbitre et de manière générale de toutes les libertés ? Il a beau être jeune, il semble arrivé tout droit du Moyen-Age dans une DeLorean. Torquemada ne l’aurait pas renié.

A l’épisode 1 j’avais envie de lui arracher sa soutane avec les dents. A l’épisode 6 j’avais envie de l’émasculer à la cuillère à entremets dans les plus grandes souffrances. Après l’épisode 10, je ne sais plus. Parce que je crois que, finalement, je n’ai tout simplement pas compris le projet de Sorrentino.

Lenny est orphelin donc, et semble en vouloir à la terre entière, et se venger sur les autres de l’amour qu’il n’a pas reçu. L’hypothèse générale, qu’il émet et que Voiello répète, c’est que ceux qui entrent dans les ordres sont des handicapés du sentiment, qui ont tellement peur que l’amour les fasse souffrir qu’ils s’en préservent comme ils peuvent — et essaient d’en priver ceux qui sont plus courageux.

De plus, Lenny ne semble pas toujours si convaincu que ça de l’existence de Dieu, alors même que sur ses ordres (oui, il donne des ordres à Dieu) il accomplit des miracles. Mais à certains moments il est touché par la grâce et par l’amour.

Figure christique, il est aussi, tout à la fois, figure antéchristique. Veut-il détruire l’Eglise de l’intérieur ? Montrer qu’elle est obsolète, rétrograde, à côté de la plaque ? Ses agissements ne sont-ils alors qu’une sorte d’argumentation par l’absurde ? Autre chose d’encore plus complexe ?

Je ne sais pas. Je ne sais plus. Je suis perdue.

En tout cas, une chose est sûre : la série ne donne pas envie de (re)devenir catholique, et elle s’est révélée assez dure émotionnellement pour moi qui ai un gros passif avec cette religion. Je crois que de manière générale, la série abordant des questions de l’ordre de l’intime, elle ne peut que remuer.

Alors peut-être que c’est simplement ça, le projet de Sorrentino : nous interroger sur nos croyances les plus profondes ?

The Young Pope – saison 1
Paolo SORRENTINO
2016