La Mauvaise Education, Pedro Almodóvar

Même si j’en ai finalement assez peu parlé ici, Pedro Almodóvar est un de mes cinéastes préférés : son univers bien particulier me touche beaucoup, et m’a souvent donné matière à réflexions. Quant  ce film, je l’avais vu à sa sortie en 2004, au temps donc où je pouvais encore voir les films en salle sans récolter une migraine au passage, et il m’avait quelque peu déstabilisée, c’est le moins que l’on puisse dire.

Madrid, 1980. Devenu un grand réalisateur, Enrique reçoit un jour la visite d’Ignacio, qui se fait désormais appeler Ángel, et qu’il n’a pas vu depuis le collège. Devenu comédien, Ignacio/Àngel confie à Enrique, avec qui il a connu ses premiers émois amoureux, une nouvelle, « La Visite », nouvelle partiellement autobiographique qui raconte leurs années de pensionnat, sous la coupe du père Manolo, un professeur de littérature et prêtre pédophile…

Le sujet est grave tout autant qu’essentiel, et le film ne peut que susciter des sentiments violents. Magistralement construit et filmé, il alterne entre plusieurs temporalités, mais aussi entre fiction et réel, et l’ensemble fonctionne finalement comme un véritable thriller — et une gigantesque mise en abyme, même s’il n’est pas autobiographique.

On retrouve, bien sûr, les thèmes obsédants du cinéaste espagnol : le désir passionnel, l’homosexualité, le travestissement et la transidentité ; mais ici, c’est un film d’hommes, dont les femmes sont totalement exclues, car ce qui se joue est une violence autre, celle que des prêtres exercent sur des enfants. C’est terrifiant, mais nécessaire. Quant à Garcia Bernal, il est éblouissant d’ambiguïté.

A voir absolument si ce n’est pas déjà fait, ou à revoir !

La Mauvaise Education
Pedro ALMODÓVAR
2004

Talons Aiguilles, de Pedro Almodóvar

Je pourrais vous dire que je ne sais pas pourquoi j’ai eu subitement envie, dimanche soir, de revoir ce qui reste mon film préféré d’Almodóvar mais en réalité, je le sais très bien, c’est à cause d’un roman que je viens de terminer.

Le fait est que, même s’il commence à dater (1991), j’aime toujours autant ce film, que je connais tellement bien que je peux désormais le voir en VO sans sous-titres, ce qui ne fait pas de mal à ma pratique de la langue de Cervantes.

Après des années d’absence, Becky Del Paramo, célèbre chanteuse et actrice, rentre à Madrid et retrouve sa fille, Rebeca, présentatrice du journal télévisé, mariée à un de ses anciens amants, Manuel, qui est aussi le directeur de la chaîne ou travaille Rebeca.

Les retrouvailles se passent de manière assez chaotiques, et Rebeca présente à Becky Letal, un travesti qui l’imite. Par ailleurs, Becky comprend vite que le mariage de Rebeca est un naufrage, surtout quand Manuel lui propose de reprendre leur ancienne relation.

Une nuit, Manuel est assassiné, et l’enquête est confiée au juge Domínguez, qui n’est autre que Letal (mais ça personne ne le sait à part le spectateur), amoureux de Rebeca…

Les mauvaises langues diront que si je voue un culte à ce film, c’est à cause du titre, et je répondrai que ce n’est pas bien de se moquer.

Non, si j’aime ce film, c’est parce que je trouve que c’est l’un des plus aboutis du réalisateur, celui où tous ses thèmes obsédants sont à leur paroxysme : le travestissement bien sûr avec l’intrigant et fascinant juge/Letal ; d’ailleurs, la première fois que j’ai vu ce film, c’est parce que je projetais plus ou moins de travailler sur le travestissement, ça ne s’est pas fait mais j’ai tout de même lu et vu des choses sur la question.

Les relations mère-fille sont ici complexes et passionnantes. On retrouve aussi toute la saveur et l’humour d’Almodóvar, qui manie mieux que personne le registre burlesque : la scène entre Rebeca et Letal, dans la loge de ce dernier, est d’anthologie (je ne m’étendrai pas pour ceux qui n’auraient pas vu le film…).

Quant à la BO… les deux chansons phare du film, Un año de amor et Piensa en mí sont parmi mes préférées au monde, et me font pleurer à chaque fois.

Tacones Lejanos / Talons Aiguilles
Pedro ALMODÓVAR
Espagne, 1991