Melinda and Melinda, de Woody Allen


The essence of life isn’t comic. lt’s tragic. There’s nothing intrinsically funny about the terrible facts of human existence.
— I disagree. Philosophers call it absurd because, in the end, all you can do is laugh.

Oui, encore Woody Allen. Mais cette fois avec un film dans lequel il ne joue pas, mais dans lequel il interroge la création et le sens de la vie, rien de moins.

Au cours d’un dîner au restaurant, deux écrivains, l’un auteur de comédies et l’autre auteur de tragédies, se disputent sur leur vision du monde et le sens profond de l’existence. L’un des convives leur propose alors la base d’une histoire : une femme qui fait irruption chez un couple.

A partir de là, chacun des auteurs va donner naissance à une histoire : une comédie romantique et un drame, qui se développent en parallèle, avec des personnages et une intrigue différents, sauf le personnage de Melinda.

Ce film est un exercice de style brillantissime, une fable sur la création : comment peut-on fabriquer deux objets totalement différents avec la même idée de départ, deux objets qui sont finalement les deux faces d’une même médaille, le choix de l’un ou l’autre dépendant de l’auteur, de son imaginaire et de sa vision du monde.

Le procédé de la mise en abyme permet de passer d’une histoire à l’autre, d’une vision à l’autre, par le biais du personnage de Melinda, incarnée par une Radha Mitchell aussi convaincante dans un registre que dans l’autre.

Alors c’est sûr, on peut accuser ce film d’être assez conceptuel, très intellectuel (et d’ailleurs, on se retrouve encore une fois plongé, tant dans le récit cadre que dans les récits insérés, dans le milieu intello new-yorkais si cher à Allen), mais la réflexion est tout à fait fascinante : la vie est-elle tragique ou comique ?

Cette question est épineuse : si les classiques français ont choisi une stricte séparation des deux registres en s’appuyant sur la Poétique d’Aristote, c’est souvent le mélange qui prévaut, de Shakespeare à Hugo.

Le film lui oscille entre les deux, semble les séparer mais en fait les fait se rencontrer, sans doute parce que la réponse est quelque part entre les deux. D’ailleurs, chez Woody Allen, la comédie a toujours quelque chose de triste et de mélancolique…

Brillant donc, un film à voir !

Melinda and Melinda
Woody ALLEN
2004

Husbands and Wives, de Woody Allen

See, I will always have this penchant for what I call kamikaze women. I call them kamikazes because they, you know they crash their plane, they’re self-destructive. But they crash into you, and you die along with them.

Encore Woody Allen ? Oui, car je me suis donné l’objectif de tout voir/revoir. Celui-ci est l’un de ceux que je n’avais jamais vus. Sans doute parce que je n’aime pas, mais vraiment pas Mia Farrow, même si je dois lui accorder qu’elle joue extrêmement bien les névrosées (mais les joue-t-elle vraiment ?). Bref.

Jack et Sally se séparent. Si eux le vivent en apparence plutôt bien, leurs plus proches amis, Gabe et Judy, en sont totalement bouleversés… et toutes les cartes des relations conjugales vont être rebattues.

Comédie de mœurs assez grinçante, Maris et femmes interroge avec acuité le couple, l’amour et le sexe, l’usure du temps, les non-dits. Et l’âge : car le temps passe différemment pour les hommes et les femmes, semble-t-il, les premiers profitant de la séparation pour batifoler avec des proies beaucoup plus jeunes qu’eux, mais ont du mal à tolérer l’inverse.

Assez classique donc, très Woody Allen, le film est surtout intéressant par son ambiance, ce milieu intellectuel et cultivé New-Yorkais, le réalisateur choisissant encore une fois d’incarner un écrivain fragile — ici, il enseigne l’écriture — et de construire son film sur le principe du témoignage : très cérébral, c’est un film ou, finalement, on parle plus qu’on agit.

L’autre intérêt du film est son carambolage avec la réalité : sorti en 1992, il est le dernier où Allen fait tourner Mia Farrow, et pour cause, puisque c’est cette année-là qu’ils se séparent suite aux événements que l’on connaît, et qui sont finalement exactement le sujet du film. Qui acquiert par là un supplément de sens assez intrigant : est-ce l’art qui imite la vie ou l’inverse ? Quelle conscience avait Allen, en faisant le film, de ce qui allait suivre ?

Il y a des scènes drôles, mais l’ensemble est plutôt amer et désabusé : les couples se font, se défont, se refont mais rien ne va jamais totalement bien. Cela ne restera sans doute pas mon film préféré de Woody Allen, que j’ai du reste tendance à préférer sur sa dernière période !

Husbands and Wives
Woody ALLEN
1992

 

Everything you always wanted to know about sex (but were afraid to ask), de Woody Allen

It’s always the man’s fault !

Un film mythique s’il en est, et au sujet duquel mon souvenir était plus que flou, car je l’avais vu il y a fort fort longtemps. Mon seul souvenir : le passage où Woody Allen joue un spermatozoïde ! Il était donc plus que temps de remédier à ce problème.

Dans ce film, sept sketches inspirés d’un très sérieux best-seller de vulgarisation du docteur Reuben visent à répondre à des questions essentielles : est-ce que les aphrodisiaques fonctionnent ? Qu’est-ce que la sodomie ? Pourquoi certaines femmes ont-elles du mal à avoir un orgasme ? Les travestis sont-ils homosexuels ? Que sont les pervers sexuels ? Les découvertes des médecins et cliniques qui font des recherches sur la sexualité sont-elles exactes ? Que se passe-t-il pendant l’éjaculation ?

Si le film a esthétiquement beaucoup vieilli et qu’on se rend compte que Woody Allen a tout de même beaucoup évolué depuis, ce n’est pas grave du tout, au contraire, car cela donne un petit côté vintage bien plaisant.

L’ensemble est du reste à mourir de rire, avec des scènes d’anthologie (le fou qui coince sa main dans la ceinture de chasteté de la reine ou le vibromasseur qui prend feu sont exceptionnelles), les situations sont totalement invraisemblables et loufoques et en même temps très intelligentes : c’est inventif et totalement irrévérencieux, avec quelques petits tacles bienvenus envers la religion (le prêtre qui appuis sur le bouton « culpabilité » pour empêcher l’érection, c’est formidable), c’est profond, pas du tout vulgaire malgré les apparences (il serait peut-être temps de revoir l’interdiction aux moins de 16 ans… d’ailleurs je suis sûre de l’avoir vu moins âgée que ça et ça ne m’a pas traumatisée du tout, mais ça c’est mon côté punk décomplexé).

A voir et à revoir sans fin !

Everything you always wanted to know about sex (but were afraid to ask)
Woody ALLEN
1972

Paris-Manhattan, de Sophie Lellouche

Mes rêves sont peut-être banals, mais au moins j’y crois !

En cherchant Manhattan de Woody Allen (que je n’ai pas trouvé…), je suis tombée totalement par hasard sur cette petite comédie sur Woody Allen (et avec sa participation). Comme j’étais d’humeur woodyesque, je me suis dit pourquoi pas. Disons que ma curiosité a été plus forte que mes craintes et mes a priori…

Alice est pharmacienne, célibataire, et sa grande passion dans la vie ce sont les films de Woody ; depuis qu’elle a quinze ans elle a un poster de lui avec lequel elle tient de longues conversations sur la vie, la mort, l’amour : il est pour elle a la fois son Jiminy criquet et son psy. Alice rêve d’une grande histoire d’amour, mais elle est souvent déçue. Et puis, elle rencontre Victor, le cynisme fait homme, qui n’a jamais vu aucun film de Woody.

Et bien j’ai eu raison de dépasser mes a priori, car nous avons là une comédie tout à fait charmante, fraîche et légère, qui parvient a retrouver par moments l’esprit de certains films de Woody Allen et traite d’ailleurs des mêmes thèmes, le sexe, la psychanalyse, la judéité.

Disons que l’esprit de Woody plane sur le film (par le biais d’extraits et de l’affiche qui nous livre une véritable philosophie de vie ; et puis, il est là en vrai à la fin et c’est merveilleux) et que cela donne un petit côté fantaisiste assez agréable. Certaines scènes sont vraiment drôles, d’autres plus grinçantes, et c’est surtout une jolie histoire d’amour qui se construit sous nos yeux, entre Victor et Alice, qui est vraiment un personnage attachant, elle est complètement folle mais tellement nous en même temps !

Evidemment, cela n’a pas la saveur d’une comédie du Maître mais ce film sympathique et attachant se laisse regarder avec beaucoup de plaisir, et vaut beaucoup mieux que les critiques assassines que j’ai lues, je trouve ! Un bel hommage !

Paris-Manhattan
Sophie LELLOUCHE
2012

Magic in the Moonlight, de Woody Allen


Life is not just what we can see.

Je ne me lasse décidément pas de Woody Allen et de sa manière de voir le monde, et j’avais évidemment très envie de voir enfin son dernier film, dont le titre suffit à m’enchanter. Le titre et la présence au casting de Colin Firth, cela va sans dire.

Le prestidigitateur Wei Ling Soo est le plus célèbre magicien de son époque, et il n’a en réalité rien de chinois. Son vrai nom est Stanley Crawford, mégalomane, égocentrique et misanthrope anglais qui s’est donné pour mission de démasquer tous les faux médiums.

C’est ainsi qu’avec son ami Howard Burkan, lui aussi illusionniste mais sans succès, Stanley se rend chez les Catledge qui possèdent une somptueuse propriété sur la Côte d’Azur, et se fait passer pour un homme d’affaires, du nom de Stanley Taplinger.

Son but ? Démasquer la jeune et ravissante Sophie Baker, une prétendue médium, qui y séjourne avec sa mère. Le problème ? Non seulement la jeune femme semble savoir des choses sur Stanley qu’il lui est impossible d’inventer, mais en outre elle est totalement délicieuse !

Quelle petite merveille ! Le magicien, ici, c’est Woody Allen, qui nous offre une fable, un conte sur la magie de la vie et de l’amour, la seule chose, finalement, qui nous dépasse et constitue le plus grand mystère de l’humanité.

Colin Firth est sexyssimement odieux dans ce rôle de cartésien pur et dur, qui refuse obstinément tout ce que la vie peut offrir d’irrationnel — mais il est bien puni : l’amour l’aveugle, il se laisse avoir (au grand dam de son orgueil démesuré) et il apprendra combien la pensée magique peut procurer de bonheur, et que parfois pour vivre nous avons besoin de nos illusions.

Un film extrêmement poétique, plein de grâce, aux dialogues savoureux, drôles et spirituels, et qui nous emporte totalement. A ne pas louper !

Magic in the Moonlight
Woody ALLEN
2014

Everyone says I love you, de Woody Allen

Just you… just me… just the two of us… just we… just say you love me !

Dans la vie, il y a des moments où on est en panne d’inspiration, où on ne sait pas trop de quoi on a envie. Dans ces moments-là, je crois que le mieux, c’est de se raccrocher aux valeurs sûres, et Woody Allen en est une. Ce film a l’âge de mon bac, mais il fonctionne toujours aussi bien.

Le film raconte, par la vois de Djona, dite DJ, les aventures amoureuses d’une famille recomposée de new-yorkais.

Et c’est juste du bonheur : drôle, virevoltante, spirituelle, cette comédie musicale joue sur un mélange des registres subtil. Certaines scènes sont d’une poésie rare, presque oniriques, alors que d’autres sont presque du grand guignol, et c’est ce mélange qui rend le film si touchant, parce que c’est finalement comme dans la vie.

Les personnages sont extrêmement attachants, et en particulier le personnage campé par Woody lui-même, un écrivain qui se fait psychanalyser (comme d’habitude) et possède un sens du mauvais choix infaillible en ce qui concerne les femmes. Horriblement attachant, en somme.

Un film qui donne la pêche, on se croirait parfois dans un vieux film avec Fred Aster et Ginger Rogers, d’autres fois dans Love Actually, on voyage de New-York à Paris en passant par Venise, et tout ça sans que le sourire quitte nos lèvres. Et en ce moment, ça ne se refuse pas…

Everyone says I love you
Woody ALLEN
1996

Match Point, de Woody Allen

Les gens ne se rendent pas compte à quel point leur vie dépend de la chance.

Woody Allen + Londres, que demander de plus ?

Jeune professeur de tennis issu d’un milieu modeste, Chris Wilton est embauché dans un club huppé de Londres, où il ne tarde pas à se lier d’amitié avec Tom Hewett, un jeune homme de la haute société, qui l’introduit dans sa famille. Chris commence alors à sortir avec Chloé, la sœur de Tom, et à voir sa situation professionnelle s’améliorer grâce à M. Hewett, qui éprouve pour lui une certaine sympathie.

Il fait aussi la connaissance de la vénéneuse Nola Rice, une jeune Américaine et comédienne ratée, fiancée de Tom. Très attiré par elle, Chris entreprend de la séduire

Dans ce film, Woody Allen nous entraîne dans la haute société londonienne riche et cultivée (ils ont une bibliothèque à se damner), amatrice d’arts, vivant dans un monde raffiné et élégant où rien ne semble devoir faire tâche. Or, évidemment, l’irruption dans ce monde de deux personnages issus d’un milieu modeste va faire des vagues : si Chris est facilement intégré, en tout cas en apparence, la sulfureuse Nola est au contraire rejetée.

Et là est bien le nœud central : arrivistes l’un comme l’autre, ils rêvent d’intégrer ce monde coûte que coûte, mais finalement sont attirés l’un par l’autre justement parce qu’ils se ressemblent.

Mais ce n’est pas une comédie de mœurs comme on pourrait s’y attendre : si le film traite bien les thèmes attendus de l’ambition, du cynisme, de l’argent, de l’amour et du désir, il passe aussi de la satire au polar.

Impeccablement filmé, c’est donc un excellent film, où rien n’est laissé au hasard, rythmé par des airs d’opéras, notamment la scène clé qui nous rejoue Othello. 

Mon seul bémol, c’est que je n’aime décidément pas Scarlett Johansson, j’ai l’impression d’être un peu la seule mais voilà, c’est comme ça ; en outre, je ne sais pas pourquoi, j’étais convaincue que c’était Jude Law qui interprétait le personnage principal (je dois confondre, mais je ne sais pas avec quoi).

Nonobstant, je trouve que Woody Allen a un talent incontestable pour filmer les grandes capitales, et le film donne simplement envie de sauter dans l’Eurostar (il faut dire que je n’ai pas besoin d’être beaucoup poussée pour avoir cette envie). Et puis c’est totalement immoral, comme j’aime !

Est-ce pour autant le meilleur film de Woody Allen de ces dernières années ? Ce n’est pas mon préféré, mais oui, c’est un excellent cru !

Match Point
Woody ALLEN
2005