Autobiographie olfactive
En dressant l’inventaire des parfums qui nous émeuvent — ce que j’ai fait pour moi, ce que chacun peut faire pour lui-même —, on voyage librement dans une vie. Le bagage est léger. On respire et on se laisse aller. Le temps n’existe plus : car c’est aussi cela la magie des parfums que de nous retirer du courant qui nous emporte, et nous donner l’illusion que nous sommes toujours ce que nous avons été, ou que nous fûmes ce que nous nous apprêtons à être. Alors la tête nous tourne délicieusement.
Avec un titre pareil, qui me fait si délicieusement penser à mon cher Baudelaire et à son obsession pour les odeurs (Baudelaire qui n’est d’ailleurs pas absent du livre, on s’en doute), je ne pouvais bien évidemment pas passer à côté de ce texte. Les parfums ont une telle importance dans ma vie que cela eut été comme commettre un crime…
Ce texte est un abécédaire des odeurs qui portent en elles les souvenirs, de l’Acacia au Voyage, en passant par l’ambre solaire, le jeune enfant qui dort, le sexe des femmes, le pull de l’oncle disparu ou les bocaux de sauce tomate…
Abécédaire des odeurs
Alors, avant tout, j’ai envie de dire que le titre prête un peu à confusion. Pour moi, « parfum » connote quelque chose d’agréable, lorsque « odeur » est neutre. Moins joli et poétique, ce dernier mot cependant correspondrait mieux au propos de l’ouvrage : car j’ai du mal à appeler « parfum » ce qui se dégage des pissotières, voyez. Mais enfin…
A part ce petit souci de vocabulaire, j’ai énormément apprécié ce texte. Je trouve que rien n’est plus difficile à évoquer qu’une odeur, un parfum, par essence évanescent et impalpable, et donc indescriptible.
Mais la description n’est pas ici l’enjeu : l‘odeur est prétexte, support à la remémoration, au souvenir. Des petites choses, des petits détails. L’ensemble est touchant, et nous montre qu’en la matière, point de plaisir universel : certaines odeurs évoquées me retournent le cœur, quand d’autres manquent.
Il s’agit réellement d’une cartographie intime, parfois synesthésique lorsque le parfum se fait couleur ou son par le biais d’un vagabondage imaginaire. Car, oui, l’odeur fait voyager, dans l’espace et dans le temps.
J’ai vu des critiques concernant la brièveté des textes. Je le conçois, mais au contraire je suis pour ma part plutôt sensible à ces instantanés et à cette poétique du fragment qui, je trouve, correspond bien à la nature du souvenir, fugace. Cela n’a pas été sans me rappeler, d’ailleurs, la magnifique Autobiographie des objets de François Bon.
Parfums (lien affilié)
Philippe CLAUDEL
Stock, 2012









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