Je ne crois pas que les hommes soient la réponse à tout.
— Alors pourquoi on finit toujours par parler d’eux ?
Ce film, c’est l’une de mes petites madeleines. Pour une raison que j’ignore, lorsque j’étais adolescente, c’est ce film qu’on nous projetais toujours dans le car lors des sorties scolaires (oui je ne sais pas pourquoi à l’époque on nous projetais des films dans le car… bref). Autant dire que je l’ai vu un certain nombre de fois, et que compte tenu des circonstances, j’éprouve pour lui une certaine tendresse.
A Eastwick, étouffante bourgade marquée par le puritanisme, trois femmes se sont liées d’amitié : Jane, la rousse, divorcée, est professeur de musique et n’a pas d’enfant ; Sukie, la blonde, est journaliste et mère de six petites filles que leur père a abandonnées ; Alexandra, la brune, est veuve et mère d’une grande fille.
Un soir, alors qu’une pluie diluvienne s’abat sur la ville, elles invoquent l’arrivée d’un homme idéal qui les sortirait de leur marasme, alors qu’au même moment s’installe en ville un homme étrange, Daryl Van Horne…
Alors ce film, adapté d’un roman de John Updike, est d’abord un divertissement : très drôle, bourré de scènes d’anthologie dont certaines sont à dire vrai un peu écœurantes dans leur volonté de parodier L’Exorciste (mais là où L’Exorciste terrifie, Les Sorcières d’Eastwick fait rire), le film jouit d’une distribution impeccable.
On notera évidemment la prestation ébouriffante de Jack Nicholson, qui campe un diable tellement crédible que depuis que j’ai vu ce film, je n’arrive pas à l’imaginer autrement !
Mais par-delà le divertissement, ce film n’est pas dénué d’une véritable profondeur, et propose une véritable réflexion féministe doublée d’une critique du puritanisme (les deux allant de pair, du reste).
Féministe, parce qu’à bien y regarder, nos trois femmes incarnent la totalité des possibles féminins : la brune, la blonde, la rousse ; celle qui a six enfants, celle qui en a un, celle qui n’en a pas ; celle qui préfère les grosses (b***), celle qui préfère les moyennes, celle qui aime mieux les petites (le tout étant de savoir s’en servir).
Chacune a des désirs différents, et pour chacune Daryl incarne l’homme qu’elle veut qu’il soit.
Mais pas seulement : il les révèle à elles-mêmes et leur apprend qu’elles sont des femmes libres, des femmes fortes, il les pousse à se dépasser pour devenir ce qu’elles sont en s’affranchissant des normes puritaines. Du coup, elles s’affranchissent aussi de lui, ce qui prouve qu’il a réussi son coup, finalement.
Et le choix de la sorcellerie n’est pas anodin : très pédagogique, le film l’explique par le biais de Daryl ; la chasse aux sorcières, c’est « les hommes qui débandent lorsqu’ils rencontrent des femmes fortes, alors ils les brûlent en les appelant sorcières ».
Et une femme forte, c’est aussi et surtout une femme qui assume sa sexualité : le film ne montre pas de scènes érotiques, mais en revanche les personnages en parlent de manière totalement décomplexée et crue, et on voit bien comment la petite communauté érotique formée par nos quatre personnages choque les voisins bien pensants.
Le Diable, ici, est tout simplement la métaphore d’une sexualité libre et assumée, affranchie des convenances.
The Witches of Eastwick
George MILLER, d’après le roman éponyme de John UPDIKE (lien affilié)
Etats-Unis, 1987









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