Les Sorcières d’Eastwick, de George Miller

Je ne crois pas que les hommes soient la réponse à tout.
— Alors pourquoi on finit toujours par parler d’eux ?

Ce film, c’est l’une de mes petites madeleines. Pour une raison que j’ignore, lorsque j’étais adolescente, c’est ce film qu’on nous projetais toujours dans le car lors des sorties scolaires (oui je ne sais pas pourquoi à l’époque on nous projetais des films dans le car… bref). Autant dire que je l’ai vu un certain nombre de fois, et que compte tenu des circonstances, j’éprouve pour lui une certaine tendresse.

A Eastwick, étouffante bourgade marquée par le puritanisme, trois femmes se sont liées d’amitié : Jane, la rousse, divorcée, est professeur de musique et n’a pas d’enfant ; Sukie, la blonde, est journaliste et mère de six petites filles que leur père a abandonnées ; Alexandra, la brune, est veuve et mère d’une grande fille.

Un soir, alors qu’une pluie diluvienne s’abat sur la ville, elles invoquent l’arrivée d’un homme idéal qui les sortirait de leur marasme, alors qu’au même moment s’installe en ville un homme étrange, Daryl Van Horne…

Alors ce film, adapté d’un roman de John Updike, est d’abord un divertissement : très drôle, bourré de scènes d’anthologie dont certaines sont à dire vrai un peu écœurantes dans leur volonté de parodier L’Exorciste (mais là où L’Exorciste terrifie, Les Sorcières d’Eastwick fait rire), le film jouit d’une distribution impeccable.

On notera évidemment la prestation ébouriffante de Jack Nicholson, qui campe un diable tellement crédible que depuis que j’ai vu ce film, je n’arrive pas à l’imaginer autrement !

Mais par-delà le divertissement, ce film n’est pas dénué d’une véritable profondeur, et propose une véritable réflexion féministe doublée d’une critique du puritanisme (les deux allant de pair, du reste).

Féministe, parce qu’à bien y regarder, nos trois femmes incarnent la totalité des possibles féminins : la brune, la blonde, la rousse ; celle qui a six enfants, celle qui en a un, celle qui n’en a pas ; celle qui préfère les grosses (b***), celle qui préfère les moyennes, celle qui aime mieux les petites (le tout étant de savoir s’en servir).

Chacune a des désirs différents, et pour chacune Daryl incarne l’homme qu’elle veut qu’il soit.

Mais pas seulement : il les révèle à elles-mêmes et leur apprend qu’elles sont des femmes libres, des femmes fortes, il les pousse à se dépasser pour devenir ce qu’elles sont en s’affranchissant des normes puritaines. Du coup, elles s’affranchissent aussi de lui, ce qui prouve qu’il a réussi son coup, finalement.

Et le choix de la sorcellerie n’est pas anodin : très pédagogique, le film l’explique par le biais de Daryl ; la chasse aux sorcières, c’est « les hommes qui débandent lorsqu’ils rencontrent des femmes fortes, alors ils les brûlent en les appelant sorcières ». 

Et une femme forte, c’est aussi et surtout une femme qui assume sa sexualité : le film ne montre pas de scènes érotiques, mais en revanche les personnages en parlent de manière totalement décomplexée et crue, et on voit bien comment la petite communauté érotique formée par nos quatre personnages choque les voisins bien pensants.

Le Diable, ici, est tout simplement la métaphore d’une sexualité libre et assumée, affranchie des convenances.

The Witches of Eastwick
George MILLER, d’après le roman éponyme de John UPDIKE (lien affilié)
Etats-Unis, 1987

25 réponses à « Les Sorcières d’Eastwick, de George Miller »

  1. Avatar de clara
    clara

    Je ne connais pas… honte à moi !

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    1. Avatar de L'Irreguliere

      Non, ce n’est pas honteux, mais ça pourrait peut-être te plaire !

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    1. Avatar de L'Irreguliere

      Oui, c’est un super film !

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  2. Avatar de mamanparis16
    mamanparis16

    Merci, ça m’a donné envie de regarder ce film dont j’ai tant entendu parlé la décennie de sa sortie. L’une des trois actrices (je ne me souviens plus laquelle) a déclaré dans une interview qu’elles se gavaient de nourriture lors du tournage (l’effet Jack N.?).

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  3. Avatar de Neph

    Tiens, je me souviens de quelques bribes, mais pas d’avoir vu le film entier. Je devrais remédier à ça !

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    1. Avatar de L'Irreguliere

      Oh oui, ça serait dommage…

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  4. Avatar de lorouge

    Intéressante ta définition de ce film et très juste sans aucun doute… Je l’adore moi aussi et je n’ai pas eu l’occasion de le revoir depuis longtemps. Jack Nicholson est un acteur formidable, susan Sarandon aussi et Pfeiffer était parfaite elle aussi… Non, vraiment tu me donnes une folle envie de le revoir ;0) Il y a vraiment des scènes mythiques là dessus, en tout cas j’en ai un grand souvenir même si, comme tu dis, certaines sont peu ragouttantes ;0)

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    1. Avatar de L'Irreguliere
  5. Avatar de Alexandra

    Je ne me souviens pas de ce film de cette manière. Lorsque je l’ai vue, j’ai surtout été traumatisée par Jack Nicholson qui, depuis, me fait peur. Il peut jouer un gentil, il me fera quand même flipper. Mais après cette chronique, j’avoue que je regarderais bien Les Sorcières d’Eastwick, pour m’en faire une autre idée !

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    1. Avatar de L'Irreguliere

      Personne mieux que Nicholson ne pourrait faire le diable !

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  6. Avatar de ohoceane

    Oh la tu me replonges dans les tréfonds de l’adolescence ! Je me souviens de ce film avec tendresse, certainement vu un dimanche soir avec mes parents 🙂

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    1. Avatar de L'Irreguliere

      Oui, c’est une petite madeleine !

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  7. Avatar de Béné31

    Je passe quelque fois par ici sans pour autant laisser de commentaire, mais là je ne peux faire autrement, j’adore ce film ! Jack forever 😍

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  8. Avatar de IVG : mon corps, mon choix, mon droit | Cultur'elle

    […] je terminerais sur les mots du diable :  la chasse aux sorcières, c’est "les hommes qui débandent lorsqu’ils rencontrent […]

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  9. Avatar de Dark Shadows, de Tim Burton | Cultur'elle

    […] Inutile de préciser que ce film est de ceux qui permettent de passer une excellente soirée, pas vraiment effrayante malgré la présence de vampires, sorcières et fantômes : ici, on est dans le loufoque, et c’est le rire qui prévaut : Barnabas qui se réveille dans les années 1970, c’est un peu Les Visiteurs il faut bien le dire, et malgré sa vilaine tendance à siphonner les humains qu’il croise, on ne peut que s’attacher à lui. Eva Green, que je n’aime pourtant pas beaucoup, est magistrale et son personnage plutôt intéressant : elle fait le mal, certes, mais en même temps c’est parce qu’elle refuse le déterminisme social (rester à sa place de servante) et aussi pour se venger d’un Barnabas dont on notera qu’au début il veut bien coucher avec elle, mais enfin pas plus, ce qui, nous en conviendrons, n’est pas très bien non plus. Il y a donc aussi quelque chose de grinçant, et ce personnage de sorcière, incarnation de l’effrayant pouvoir féminin, n’est pas non plus sans rappeler Les Sorcières d’Eastwick.  […]

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  10. Avatar de The Bucket List, de Rob Reiner | Cultur'elle

    […] de l’un, qui joue un peu les diables tentateurs (mais le rôle du diable va tellement bien à Nicholson) sert donc à nos deux compères en goguette : ils sautent en parachute, se font tatouer, mangent […]

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    […] condamnés mais de manière beaucoup plus insidieuse. Le premier chapitre s’intéresse à l’indépendance féminine et au célibat, le deuxième au refus de la maternité, le troisième à la vieillesse ; le […]

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