Ce soir je me suis assise à une table, j’ai posé devant moi ce bloc à petits carreaux et ce stylo plume que j’ai depuis l’âge de onze ans, qui traîne toujours au fond de mon sac. C’est sans doute la seule chose que je n’ai pas réussi à perdre. Ce soir, j’ai commandé une bière et j’ai décidé de t’écrire une lettre. Je suppose que tu en as reçu des dizaines comme celle-ci. Peut-être sauras-tu lire entre les lignes, dans cet espace intact qu’aucun mot ne caresse ni ne frappe, ce que je ne sais pas dire.
Je sais bien que nous ne sommes plus en décembre, mais je n’allais pas attendre un an pour lire ce roman afin que son titre soit raccord avec le calendrier. Cela aurait vraiment été dommage.
Mathieu Brin s’est mis à l’écriture sur le tard. A 45 ans, un soir d’hiver, il a sorti de son tiroir un cahier à spirales et les mots ce sont déversés sur le papier comme mus par un impératif absolu. Donnant naissance à un roman que tout le monde s’arrache.
Un jour, parmi les innombrables lettres d’admirateurs, il en découvre une différente, d’abord parce qu’elle lui est adressée à lui et non à son pseudonyme. Une lettre surgie du passée. Qui risque de bouleverser sa vie.
Ce roman est un véritable petit bijou. Lu en une demi nuit, il m’a tellement chamboulée que j’en suis encore toute retournée. D’abord pour une raison toute bête : sa lecture correspond à un événement un peu du même acabit qui s’est produit dans ma vie réelle, et j’ai trouvé la coïncidence assez troublante pour en être troublée.
Et puis, tout de même, parce que c’est un magnifique roman sur l’écriture et le désir, les deux étant évidemment intrinsèquement liés, « le désir nourrit l’écriture et se nourrit d’elle ».
Voisinent alors de merveilleuses pages sur le métier d’écrivain, l’émotion qu’il y a à tenir son premier livre sorti des presses, le contact avec les lecteurs, la magie de la création, et de magnifiques pages sur la passion amoureuse, le manque, le transport, la douleur, des pages bouleversantes, presque physiquement parlant.
Ici, le désir naît de la mémoire, une mémoire un peu forcée et violée — lorsqu’on avait occulté le passé et qu’il nous revient à la figure, comme un boomerang, réactivant la mémoire d’un corps qui, lui, n’oublie pas : les odeurs, les caresses, mémoires des sens et du plaisir.
Mais mémoire parfois trompeuse, dont l’imagination comble les lacunes, entraînant dans la fiction de ce qui a été vécu…
Bref : un coup de cœur ! Encore une fois, Delphine de Vigan montre qu’elle a ce grand talent de bouleverser son lecteur !
Un soir de Décembre (lien affilié)
Delphine de VIGAN
Lattès, 2005 (Points Seuil, 2007)









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