Est-ce un hasard, un signe, ou bien le fruit d’une préméditation ? Quelqu’un a-t-il déposé exprès notre livre sur cet étal au-dessus de la Seine, en face de mon lieu de travail, à côté du parapet où je viens m’accouder six fois par jour pour ma pause cigarette ? Je n’ai plus de nouvelles de Maxime depuis si longtemps. Quant à Pauline… Je croyais que j’avais enfin réussi à l’oublier. Les battements de mon cœur et le sourire idiot qui vient de me faire avaler un moucheron sont la preuve du contraire.
Vous vous doutez bien de ce qui s’est passé avec ce roman. Mercredi lorsque je suis rentrée de vacances, il m’attendait sagement dans ma boîte aux lettres, et non seulement il a grillé la priorité à la foule des livres qui attendent d’être lus, mais il m’a même fait mettre de côté ma lecture en cours, qui me plaît pourtant beaucoup, mais on ne fait pas attendre Didier van Cauwelaert. Avis à la population.
Alors, de quoi est-il question dans ce cru 2014 ? D’amour fou et d’amitié.
Quincy Farriol, écrivain raté au nom improbable, achète sur les quais un exemplaire de son propre roman paru vingt ans plus tôt. Mais pas n’importe quel exemplaire : celui qu’il avait dédicacé à Maxime et Pauline. Et cette dédicace fait resurgir des souvenirs qu’il croyait effacés.
Alors, je vous entends déjà me dire que je ne suis pas du tout objective avec cet auteur, et je n’en disconviendrai pas, je connais mes faiblesses.
Mais tout de même : nous avons là un très bon cru, plus dans la veine des Témoins de la mariée que de La Femme de nos vies par sa légèreté primesautière, qui n’empêche pas, comme d’habitude avec l’auteur, une certaine gravité et une grande tendresse.
Roman d’amour fou et d’amitié, ai-je dit : le principe de Pauline, le personnage féminin au cœur de ce trio/triangle, est qu’ils s’enrichissent mutuellement, et que de l’amour naît l’amitié ; mais pas au sens où on l’entend habituellement, en tout cas pas seulement.
Ici, l’amour qu’ils portent à la même femme est aussi la base d’une solide amitié entre les deux hommes que pourtant tout oppose, l’écrivain déprimé et le truand au grand cœur dont l’amitié est parfois embarrassante. Cela donne des scènes drôles, cocasses, mais aussi émouvantes voire… troublantes et surprenantes.
Mais ce triangle amoureux et amical, ressort essentiel du roman, n’en fait pas toute la richesse, car si nous avons un narrateur écrivain, c’est aussi parce que le roman explore la question de l’écriture. Alternant le passé et le présent, la narration met en place une mise en abyme d’une partie de l’histoire, qui a déjà été écrite dans l’un des romans de Quincy, et interroge le lien de l’écriture avec le réel, le mensonge et la vérité romanesques : « la vérité d’un roman, ça n’a rien à voir avec l’exactitude des faits« , dit Quincy à Maxime qui lui reproche son remodelage des événements.
Alors que l’enjeu de l’écriture est exactement celui-là : « Je corrigeais la réalité, je réinventais ce qui aurait pu être l’aventure de ma vie« .
Si le roman flirte parfois avec le polar, avec en arrière-plan de sombres magouilles politico-mafieuses, c’est avant tout, encore une fois, une grande histoire d’amour. L’amour, le seul, le vrai, l’unique, celui de toute une vie, même si les événements semblent dire le contraire et ne se déroulent pas linéairement, l’amour qui transforme et nous rend meilleur.
Un roman profondément optimiste, qui montre que la vie, lorsqu’elle fait resurgir le passé dans le présent pour nous mettre face à nos choix, nous offre une nouvelle chance et un nouveau départ.
Quincy n’est peut-être pas un écrivain d’envergure (encore qu’il joue surtout de malchance), mais c’est un personnage authentique, attachant, romanesque, dans lequel on reconnaît parfois un peu l’auteur, avec son amour pour les vieilles voitures par exemple. Et la fin ne peut qu’émouvoir les êtres sensibles (comme moi !).
Est-il utile de conclure ? C’est un coup de coeur !
Le Principe de Pauline (lien affilié)
Didier van CAUWELAERT
Albin Michel, 2014









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