Quand il m’annonça qu’il avait rencontré une autre femme, je passai de la tristesse à la peur comme on alterne deux nages, l’une sur le dos, l’autre sur le ventre, pour rejoindre la rive sans me noyer.
J’ai peu lu Nina Bouraoui. Pour être plus exacte, je n’avais lu jusque-là qu’un livre d’elle : Appelez-moi par mon prénom. Et cette lecture commence par dater. Et pourtant, j’avais été très touchée, à la fois par l’écriture et par le thème. Mais voilà, j’ai manqué d’une occasion. Alors, lorsque celle-ci s’est présentée en cette rentrée littéraire, je n’ai pas hésité…
Après 8 ans d’amour, Adrian a quitté A., la narratrice, sans qu’elle s’y attende — sans qu’elle n’en déchiffre les signes avant-coureurs. Et cette rupture ne passe pas. Fragilisée, obsédée, A. cherche à quoi se raccrocher, épie, lit le blog de la jeune femme pour qui elle a été quittée, y cherchant des messages à déchiffrer.
Ce qui frappe d’emblée dans ce roman, symboliquement encadré par les attentats du 7 janvier et du 13 novembre, c’est cette écriture ciselée, précise, harmonieuse, entre l’urgence et la poésie, qui permet à Nina Bouraoui, à partir d’une histoire singulière, d’atteindre l’universel du chagrin d’amour : elle dissèque, telle une médecin légiste, les sentiments de l’amoureux malheureux, le manque, l’obsession, l’appétit qui s’en va, la perte de contrôle qui mène au bord de la folie.
Elle interroge le sentiment amoureux, l’impossible rupture du lien, la manière dont la séparation met au jour nos névroses les plus enfouies, et puis le sevrage, la reconstruction de soi.
Brillant, délicat, subtil, ce roman fera écho en chacun, parce que chacun, un jour, a été abandonné, a souffert de cette perte de tous les repères qui mène au bord de la noyade. A lire absolument !
Beaux rivages (lien affilié)
Nina BOURAOUI
Lattès, 2016









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