4321, de Paul Auster

4321, de Paul Auster

Quelle idée intéressante, se dit Ferguson, de penser que les choses auraient pu se dérouler autrement pour lui, tout en restant le même. Le même garçon dans une autre maison avec un autre arbre. Le même garçon avec des parents différents. Le même garçon avec les mêmes parents mais qui ne faisaient pas les mêmes choses qu’actuellement. 

Oui, le voilà enfin. Certains se sont interrogés sur le fait que je n’en avais pas encore parlé. Plusieurs explications se carambolent : d’abord, lorsqu’il est paru, je n’étais pas au mieux de ma forme, et je ne voulais pas me gâcher le plaisir avec mon humeur chagrine (ça va mieux, merci). Ensuite, c’est quand même une brique, et je voulais me lancer dans cette lecture avec suffisamment de temps pour m’y consacrer vraiment (et comme vous l’aurez remarqué, le temps est un peu ce qui me manque actuellement). Enfin, j’ai mis un temps fou à lire les 100 dernières pages, parce que je n’avais pas du tout envie de le terminer et de quitter Ferguson.

Mais voilà, j’ai fini par me faire violence, et c’est avec un peu de chagrin tout en étant totalement émerveillée que j’ai refermé ce roman.

Un roman difficile à résumer, on va se contenter du minimum : quatre versions différentes d’un même personnage, Archie Ferguson, de sa naissance à son passage à l’âge adulte au début des années 70.

Et c’est un grand roman. Que dis-je, un prodigieux roman, dans lequel Auster exploite pleinement toute l’étendue de son talent.

Un grand roman sur l’Amérique, un grand roman sur l’amour et le désir, un grand roman sur l’écriture.

L’idée de départ paraît simple, celle de l’exploration grâce à la fiction des mondes possibles, des réalités alternatives. Nous nous sommes tous posé un jour la question : que serait ma vie si certaines choses s’étaient passées autrement, si j’avais pris un autre chemin ?

Cela donne évidemment, à chaque instant, une multitude d’embranchements, et ici Auster en choisit 4, qui s’ouvrent au moment du choix des parents de Ferguson d’acheter une maison ici, ou là.

Dans les quatre versions, Ferguson est toujours le même tout en étant, forcément, différent, et la richesse de la vie est parfaitement décrite, avec en toile de fond les grands événements de l’histoire américaine sur lesquels s’imprime la vie de Ferguson, les choses qui changent de l’un à l’autre mais aussi d’autres qui sont tellement essentielles qu’elles reviennent.

Tour de force narratif, 4321 est surtout un roman éminemment austerien, dans lequel une nouvelle fois l’auteur explore l’identité en la fragmentant, et les liens entre la fiction et le réel.

Si on connaît suffisamment Paul Auster, on s’aperçoit vite que chacun des Ferguson (surtout le dernier bien sûr, mais pas seulement) est une version partielle de lui-même, et on reconnaît certains éléments biographiques, ce qui lui permet, une nouvelles fois, de brouiller les frontières entre la fiction et le réel, avec des clins d’oeil non seulement à sa vie donc, mais aussi à ses autres romans.

Je pense néanmoins que l’on peut apprécier le roman sans ces dimensions, qui apportent une richesse supplémentaire (peut-être une sorte de cadeau pour les addicts) mais le roman est d’une éblouissante richesse sans ça.

Est-ce qu’il y a un Ferguson que je préfère ? Je les aime tous, follement, mais c’est le dernier qui m’a le plus touchée (si vous avez lu cela ne vous étonnera pas), surtout la fin parce qu’évidemment, à la fin, Auster fait exactement ce que je pensais qu’il ferait (vu que c’est ce que j’aurais fait moi-même).

Alors lisez-le, c’est tout simplement indispensable, c’est un immense roman, un chef d’œuvre. Il se mérite, c’est sûr, ce n’est pas pour les dilettantes car il faut lui consacrer du temps chaque jour (si on lit moins d’un chapitre et ils sont parfois longs on se perd), je conseille même de prendre des notes au début pour ne pas s’embrouiller (après quand il grandit ça va mieux), il est proprement intransportable, mais la récompense est à la hauteur : un très très grand bonheur de lecture.

4321 (lien affilié)
Paul AUSTER
Traduit de l’américain par Gérard Meudal
Actes Sud/Leméac, 2018

35 réponses à « 4321, de Paul Auster »

  1. Avatar de mimiipinson

    après en avoir lu environ 80 pages, ‘ai en effet l’impression que ce sera un grand livre….

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  2. Avatar de Matatoune

    Il faut que je m’y attelle…

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  3. Avatar de KDEF
    KDEF

    Cela fait un moment que je me dis que j’aimerai lire un livre de Paul Auster et oui, je n’en ai pas lu un seul… mais « 4321 » m’interpelle, m’appelle pour que je m’y attelle.
    Ce pavé demandant du temps, ce sera en 2018 quand je serai prête 4 3 2 1… Go !
    Merci, Caroline, pour votre chronique que je suis avec intérêt.😉

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    1. Avatar de Caroline Doudet (L'Irrégulière)

      Merci ! Il faut en effet attendre d’avoir un peu de temps !

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  4. Avatar de keisha41
    keisha41

    Je note tes conseils. De toute façon je l’ai acheté (et en vO, il y a moins de pages)^_^

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    1. Avatar de Caroline Doudet (L'Irrégulière)

      Oui mais sans doute le même nombre de mots, à peu près !

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      1. Avatar de keisha41
        keisha41

        Mais ça fait moins peur (et tient dans le sac)

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  5. Avatar de Mumu dans le bocage

    Très envie de le lire depuis sa sortie et il arrive chez moi en fin de semaine…….

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  6. Avatar de lorouge

    Il me semble énormément, ça m’a toujours fascinée cette histoire de dualités (voir plus 😁) de destins, mais c’est un sacré pavé il prend un temps certain, et j’ai tant de lectures sur le feu 😉

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    1. Avatar de Caroline Doudet (L'Irrégulière)

      Oui mais bon, c’est Paul Auster

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  7. Avatar de lorouge

    Tente énormément voulais je dire 😊

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  8. Avatar de Violette

    pas inenvisageable de mon côté mais je voudrais d’abord lire d’autres romans de l’auteur.

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  9. Avatar de dasola

    Bonjour, comme parfois, j’ai des idées saugrenues, je l’ai acheté en anglais. Y plus qu’à le lire. J’espère d’ici l’année prochaine. Bonne après-midi.

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  10. Avatar de sylire

    Je le lirai mais quand j’aurai du temps devant moi…

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  11. Avatar de valmleslivres
    valmleslivres

    Plus j’y repense, plus je suis d’accord avec toi, c’est un grand roman. Et une mine pour un prof d’anglais.

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  12. Avatar de coupsdecoeurgeraldine

    Le sujet du roman me tente bien, mais son aspect « Brique » me rebute !

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    1. Avatar de Caroline Doudet (L'Irrégulière)

      c’est même plus une brique, c’est un pavé…

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  13. Avatar de Karine:)

    Le nombre de page me fait un peu peur…. mais il est bien noté.
    J’aime Auster et ce thème me tente beaucoup.

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    1. Avatar de Caroline Doudet (L'Irrégulière)

      C’est clair qu’il est un peu effrayant

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  14. Avatar de Leiloona

    Mon pavé de l’été ? Sans doute, oui … en tout cas, il est dans ma ligne de mire. Forcément, c’est un Auster ! 🙂

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