L’envoûtement de Lili Dahl, de Siri Hustvedt

Il y avait trois semaines qu’elle l’observait. Depuis le début du mois de mai, elle se mettait chaque matin à sa fenêtre pour le regarder. C’était toujours de bonne heure, un peu avant l’aube, et à sa connaissance il ne s’en était jamais aperçu. Le premier matin, en ouvrant les yeux, Lily avait remarqué une lumière provenant d’une fenêtre de l’hôtel Stuart, de l’autre côté de la rue, et lorsqu’elle s’était approchée elle l’avait vu dans le rectangle éclairé : un homme très beau, debout devant une grande toile. Vêtu seulement d’un caleçon, il était resté pendant une minute d’une telle immobilité dans la chaleur nocturne que Lily avait douté de sa réalité. Et puis il avait bougé, il s’était mis à peindre en utilisant son corps entier, et elle l’avait regardé s’étirer, se pencher, se fendre et même s’agenouiller devant la toile.

Autant Paul, c’est souvent, autant Siri, cela faisait une éternité que je n’avais rien lu d’elle, pas faute pourtant d’être toujours subjuguée par ce qu’elle écrit — et d’avoir ce roman sur mes étagères depuis le salon du livre 2015 (oui, tout ça).

Bon, on va dire que le moment n’était pas encore arrivé et que c’est maintenant que j’en avais besoin (mon intuition me dit à quel moment je dois lire quel roman, et dans celui-ci certaines choses m’ont effectivement été « utiles » pour ma progression personnelle).

Dans une petite ville du Minnesota, la jeune Lily vit seule dans une petite chambre au-dessus du café où elle a commencé à travailler quelques mois auparavant, juste après avoir terminé le lycée. De sa fenêtre, elle observe Edouard Shapiro, un peintre venu de New-York sur lequel les rumeurs vont bon train.

Dans la chambre d’à côté vit Mabel, une ancienne professeure (sur laquelle les rumeurs vont bon train) qui écrit une autobiographie où les rêves et leur influence sur la vie tiennent une grande importance. Mais des choses étranges commencent à se produire autour de Lily.

Envoûtement, enchantement, c’est bien l’effet que produit ce texte, qui oscille sans cesse entre onirique et réalisme et entraîne le lecteur dans une inquiétante étrangeté.

Mené de main de maître (mais peut-on en attendre moins de l’auteure ?), il est tissé de références au Songe d’une nuit d’été mais l’ambiance m’a surtout fait penser à Twin Peaks et plus généralement aux films de David Lynch : un monde où on ne sait plus bien où est le rêve et où est la réalité — et où toutes les clés ne sont pas données.

Et c’est ces mystères non résolus, qui nous laissent à la frontière du visible et de l’invisible, qui nous permettent de nous interroger sur le rôle des rêves dans notre vie, et leur influence. Le tout agrémenté, comme souvent chez l’auteure, de passages absolument stupéfiants sur la peinture : lorsqu’Edouard peint ses étranges tableaux, le monde réel s’évanouit.

Un roman dont les pages se tournent presque toutes seules tant on est happé par l’univers construit par Siri Hustvedt : à lire de toute urgence si vous ne l’avez pas déjà fait !

L’Envoûtement de Lily Dahl (lien affilié)
Siri HUSTVEDT
Traduit de l’américain par Christine Le Boeuf
Actes Sud, 1996 (Babel, 1999)

9 réponses à « L’envoûtement de Lili Dahl, de Siri Hustvedt »

  1. Avatar de La Rédaction
    La Rédaction

    J’adore ce que vous écrivez une plume d’or. Bonne continuation

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  2. Avatar de Une Comète

    Tu vois, je l’ai lu et je ne l’ai pas aimé. Cet onirisme, cette bizarrerie pas très bien amenée selon moi, m’ont ennuyée et fait soupirer. Déçue, car j’avais adoré passionnément «  tout ce que j’aimais »

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    1. Avatar de Caroline Doudet (L'Irrégulière)

      C’est très différent de ce qu’elle fait d’habitude !

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  3. Avatar de lorouge

    C’est une chose que nous partageons toutes les deux, cette admiration pour la grande Siri ;0) Celui ci semble très différent des autres, je me trompe ?

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    1. Avatar de Caroline Doudet (L'Irrégulière)

      Oui, assez, en fait je trouve qu’on sent un peu l’influence des thèmes d’Auster…

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      1. Avatar de lorouge

        Oh…. Alors je crois qu’il attendra un peu celui là, en tout cas ça ne sera pas le prochain que je lirais d’elle ;0) Je n’ai rien contre Auster, mais j’aime Siri parce qu’elle est Siri justement si tu vois ce que je veux dire ;0)

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        1. Avatar de Caroline Doudet (L'Irrégulière)
  4. Avatar de les Livres de George

    Je n’ai toujours rien d’elle malgré quelques romans présents dans ma PAL, mais peut-être que le moment n’est pas encore arrivé de les ouvrir !

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    1. Avatar de Caroline Doudet (L'Irrégulière)

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