La conviction de vivre en propre m’a longtemps fait défaut. Autrefois j’avais l’impression d’appartenir plutôt à l’espèce des « fausses gens » (ces gens qui n’ont que l’apparence de gens) que Carlos Castaneda prétend avoir appris à identifier grâce à l’enseignement d’un sorcier mexicain, don Juan Matus, un Indien Yaqui dont aucun anthropologue sérieux ne pense aujourd’hui qu’il a vraiment existé.
Figurant fictif d’une fiction, c’est ainsi que je me vivais. Sans m’alarmer outre mesure. Savoir ce que l’on est ou que l’on n’est pas ne modifie guère le cours des événements. J’habitais une fable cohérente, dont je n’avais pas conscience d’être l’auteur, et m’en accommodais : elle semblait la réalité même.
Même si je n’en parle qu’aujourd’hui, ce roman est le premier que j’ai lu de la Rentrée Littéraire. Pourquoi lui, au cœur du mois de juin, très tôt donc ? Impossible de l’expliquer rationnellement, mais lorsque je l’ai reçu, j’ai eu l’intuition fulgurante qu’il allait me nourrir, et nourrir Le Truc (qui a un vrai nom mais que je continue toujours à appeler « le truc »). Et, de fait, ce roman, qui parle d’amour et d’écriture, a suscité plusieurs développements féconds. Mais parlons plutôt de lui…
Peu après la publication de son dernier roman, le narrateur est quitté par sa maîtresse. Incapable de s’atteler vraiment au roman suivant (puisqu’elle n’est plus là), il se sent aspiré par un grand vide…
Le roman s’ouvre sur une double perte : celle du roman qui vient de sortir et qui ne lui appartient donc plus (sorte de déprime post-partum de l’écrivain) et celle de l’amour.
Et c’est à partir de ces deux nœuds que l’auteur part en quête de lui même : explorant sa jeunesse et son identité, il interroge la création, le désir, la mort et l’amour.
Beaucoup de choses dans ce texte extrêmement sensible m’ont touchée et émue, et notamment bien sûr ce lien amoureux qui se défait et le chagrin qui envahit l’être, et toute la réflexion sur l’écriture (est-ce un métier ?) et son pouvoir salvateur. Des thèmes qui font écho en moi, évidemment.
Une très belle découverte en somme, je n’avais jamais lu Serge Bramly mais je n’hésiterai pas à le faire dans le futur : j’ai vraiment beaucoup apprécié sa sensibilité et son écriture souvent sensuelle (autrement dit : il parle superbement bien d’amour) !
Pour Sensi (lien affilié)
Serge BRAMLY
Lattès, 2018









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