La poétique de l’espace, de Gaston Bachelard : phénoménologie de l’intime

Dans la rêverie poétique, l’âme veille, sans tension, reposée et active. Pour faire un poème complet, bien structuré, il faudra que l’esprit le préfigure en des projets. Mais pour une simple image poétique, il n’y a pas de projet, il n’y faut qu’un mouvement de l’âme. En une image poétique l’âme dit sa présence.

Des années que cet ouvrage était sagement rangé dans le rayon essai de ma bibliothèque. Je crois que je l’avais acheté lorsque je travaillais sur les travaux de Gilbert Durand sur l’imaginaire (qu’il est d’ailleurs possible que je recherche, j’ai envie de m’y replonger) mais j’avais tout au plus dû lire l’introduction. Or il se trouve que dans son essai sur l’espace domestique, Mona Chollet fait souvent référence à Gaston Bachelard et à ce livre en particulier : ni une ni deux, je l’ai sorti de la bibliothèque !

Dans ses travaux, Bachelard propose une philosophie de la poésie et de l’image poétique (qui va bien au-delà de la métaphore) en tant que manifestation de l’âme et en tant que phénomène transsubjectif : il fait écho d’une âme à l’autre.

Dans cet essai en particulier, il s’intéresse aux images de l’espace heureux : les deux premiers chapitres concernent la maison elle-même, puis il développe les images de tiroir, coffres et armoires (l’imaginaire du secret), le nid (image du refuge et de la sécurité), la coquille (celle des coquillages et des escargots), les coins (où on peut se retirer pour être tranquille, la miniature.

Les trois derniers chapitres sont plus généralistes et concernent l’immensité intime (avec la forêt et une magnifique étude sur Baudelaire), la dialectique du dedans et du dehors, et enfin la phénoménologie du rond.

On va être honnête : ce n’est pas tellement une lecture pour curieux dilettante : si la réflexion est d’une richesse infinie, sa complexité l’est souvent tout autant, et il y a de longs passages dans lesquels je me suis perdue. Mais peu importe finalement : dans ce texte lui-même très poétique, mon âme a choisi ce qui la faisait vibrer, ce qui faisait écho en elle ; et j’ai été particulièrement touchée justement par cette idée que la poésie (au sens général et non en tant que genre littéraire : poésie vient du grec ποιεῖν (poiein) qui signifie « faire, créer » et c’est dans ce sens que je l’utilise souvent) permet de communiquer d’âme à âme.

Et puis, la maison (surtout si l’on garde à l’esprit la conception jungienne de la maison comme reflet de la structure de notre âme), cette image de la maison rêvée qui me travaille beaucoup en ce moment, une maison où habiter, reflet de mon intimité et de mon authenticité ; et la forêt bien sûr, lieu intime à déchiffrer.

Un essai essentiel, qui a de nombreuses fois beaucoup résonné en moi et m’a fait approfondir certains thèmes de réflexion (sous la forme de plusieurs pages de carnet poétique). Et, fait amusant : je n’ai cessé de penser à Christian Bobin. En tout cas, je pense qu’à défaut de le lire en entier, chacun pourra ici trouver des images qui lui parleront de son imaginaire et de son espace intime…

La Poétique de l’espace (lien affilié)
Gaston BACHELARD
PUF, 1957 (Quadrige, 2009)

3 réponses à « La poétique de l’espace, de Gaston Bachelard : phénoménologie de l’intime »

  1. Avatar de Chez soi, de Perla Serfaty-Garzon : les territoires de l’intimité – Cultur'elle

    […] qui y est lié, le motif du nid et de la coquille, convoquant pour cela les recherches de Bachelard. Dans une troisième partie, elle s’intéresse à la manière dont on s’approprie la […]

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  2. Avatar de Chez soi, de Perla Serfaty-Garzon : les territoires de l’intimité – Caroline Doudet

    […] Après s’être interrogée sur l’élaboration sociale de la notion d’intimité au cours de l’histoire, elle interroge la notion de la demeure et de l’habiter, explorant le vocabulaire, l’imaginaire qui y est lié, le motif du nid et de la coquille, convoquant pour cela les recherches de Bachelard. […]

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  3. Avatar de Sous le soleil de Toscane, de Frances Mayes – Caroline Doudet

    […] C’est aussi une réflexion, souvent métaphorique, sur la quête de soi, à travers celle d’une maison dont on fait son foyer : la quête d’une maison se fait quête d’une nouvelle identité, le choix de l’Italie permettant de découvrir un nouveau soi à l’étranger – en plus des qualités intrinsèques du pays choisi : l’insouciance, la capacité à bien vivre chaque instant, la recherche constante de la beauté. Construire une maison, ou la rénover, c’est aussi donner forme au soi. […]

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