Eros, Agapè et Amour amoureux

Le fil de soi

Dix façons de dire l’amour

En grec, il n’y a pas moins de dix mots pour désigner l’amour, du plus animal et charnel au plus élevé.

Il y a porneia, l’amour appétit : je veux te manger, te dévorer, je t’aime animalement.

Il y a pothos, l’amour besoin : tu es tout pour moi et j’ai besoin de toi, comme un enfant.

Il y a mania, l’amour fou, l’amour passion : je t’ai dans la peau, je ne peux pas me passer de toi, je t’aime follement.

Il y a éros, l’amour érotique : je te désire, tu me fais jouir, j’aime ton corps, j’aime ta peau, j’aime tes mains, j’aime ton souffle, je t’aime en moi.

Il y a philia, l’amour amitié : je te respecte et je t’admire, j’aime ta différence, j’aime être avec toi, tu me fais du bien.

Il y a storgè, l’amour tendresse : je suis heureuse quand tu es là, je suis meilleure en ta compagnie.

Il y a harmonia, l’amour harmonie : nous sommes bien ensemble, quand nous sommes tous les deux le monde est plus beau.

Il y a eunoia, l’amour dévouement : j’aime prendre soin de toi, te soutenir, t’élever.

Il y a charis, l’amour célébration : c’est une grâce de t’aimer, une joie, je t’aime sans conditions, tout ton être, sans raison, parce que je t’aime.

Il y a, enfin, l’amour le plus élevé, agapè, l’amour gratuit, l’amour de l’âme : c’est lui qui fait tourner le monde, c’est l’amour en moi qui aime.

Eros et Agapè

Souvent, ce sont ces deux-là qu’on oppose : éros et agapè. L’amour du corps, et l’amour de l’âme.

D’ailleurs, tout comme ils ont dix mots pour désigner l’amour, les Grecs ont aussi deux Aphrodite : l’Aphrodite terrestre, vulgaire, et l’Aphrodite céleste. Dans le Banquet de Platon, dans le discours de Pausanias, ces deux Aphrodite gouvernent deux Eros : l’Eros vulgaire, l’amour physique et superficiel, et l’Eros céleste, l’amour des âmes, l’amour pur (celui des garçons, dans le discours).

Lorsque les religions et les mouvements spirituels nous invitent à l’amour, c’est bien d’agapè dont ils parlent. L’amour des âmes, et même un amour universel qui n’aurait finalement pas d’objet. J’avais déjà parlé, il y a longtemps, de la méditation de l’amour bienveillant.

Sauf que cela ne me convient pas tant. Je l’ai déjà écrit : l’amour est mon sujet. Mais quand je dis cela, c’est de l’amour amoureux dont il est question.

L’amour amoureux : la plus haute forme d’amour ?

Tout le monde ne sera sans doute pas d’accord, mais pour moi, l’amour amoureux est la plus haute forme d’amour, et c’est lui qui est la plus grande force de changement.

D’abord parce que, si on y réfléchit bien, il est finalement une fusion de toutes ces formes d’amour listées plus haut. Dans l’amour amoureux, elles ne s’opposent pas, elles coexistent, et se manifestent tour à tour. Même pothos, l’amour besoin, dont on dit qu’il faut pourtant s’en défaire, reste une composante de l’amour amoureux : si on n’a pas besoin de l’autre, à quoi bon ?

Ensuite parce qu’il n’est pas évident. Ce que je veux dire par-là, c’est qu’il ne nous est pas donné d’emblée, il est recherche et, plus ou moins, choix. Contrairement à notre famille : nos parents, nos enfants nous aiment mais non parce que nous sommes qui nous sommes : ils nous aimeraient tout autant si nous étions radicalement différents.

Alors que dans l’amour amoureux, il y a élection d’une personne parce qu’elle est qui elle est (même si cette élection est inconsciente). Et élection d’une seule personne, avec laquelle on veut passer l’essentiel de son temps, contrairement à l’amitié, qui est élection, mais qui peut être multiple, et ne se traduit que rarement dans un quotidien partagé. Même si cet amour est inconditionnel.

Enfin, parce que l’amour amoureux est le puissant creuset de transformation et d’évolution qui existe : il nous sort de nous-même, nous oblige à enlever nos masques, à faire face à nos peurs et à nos blessures.

Je parle ici, bien évidemment, du véritable amour et non de toutes ses contrefaçons difficiles à détecter et qui, à cause de leur mauvaise qualité, poussent certaines personnes à tout rejeter.

Je terminerai en citant Liam Neeson, même si je nuancerai son propos sur le fait que parfois, l’amour fait un peu mal, quand il nous oblige à fouiller en nous. Mais ça, c’est le sujet du Truc, dont le vrai nom est justement L’Amour, le couteau. Un gros bébé de presque 88 pages qui sortira un jour, je l’espère !

Everyone says love hurts, but that is not true. Loneliness hurts. Rejection hurts. Losing someone hurts. Envy hurts. Everyone gets these things confused with love but in reality, love is the only thing in this world that covers up all pain and makes someone feel wonderful again. Love is the only thing in this world that does not hurt.

Liam Neeson

4 commentaires

  1. Emilie dit :

    Hello, en ce moment-même sur France Culture est diffusée une émission, « Mauvais genres », est consacrée à l’érotisme. En 2ème partie, ils parleront de l’anthologie parue chez Bouquins sur l’érotisme au féminin

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    1. Oh super, merci, je vais le podcaster !

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