La Musica et la Musica deuxième, de Marguerite Duras

Ecrire, aimer, elle, elle voit que cela se vit dans le même inconnu, dans le même défi de la connaissance mise au désespoir.

J’avais lu cette pièce de Marguerite Duras il y a une éternité, et j’ai eu envie de m’y replonger, en particulier pour retrouver cette citation que j’ai mise en exergue, et qui me semble finalement résumer tout Duras, sa vie comme son œuvre (mais, chez elle, c’est un peu la même chose).

A Evreux, un homme et une femme se retrouvent dans le même hôtel, alors que leur divorce vient d’être prononcé. D’abord gênés, ils passent la nuit à parler, se disant ce qu’ils n’ont jamais pu se dire. Il y a d’abord La Musica, puis La Musica deuxième, qui reprend le début de la première mais l’amplifie.

Ce sont deux variations sur le même thème (le même t’aime) : le désir, l’amour, la séparation. Ils s’aiment, passionnément, s’aimeront sans doute toujours, et la tension amoureuse est par moment invivable, mais justement : vivre ensemble est pour eux impossible, en tout cas vivre « comme tout le monde », dans une maison. Ils sont de ces couples infernaux dans lesquels chacun fait ressurgir les ombres de l’autre, la violence et la douleur. Même si, un instant, on a l’espoir que tout se finisse bien. Mais ce n’est pas une comédie romantique.

A proprement parler, il ne se passe rien et c’est d’ailleurs un texte plus littéraire que théâtral, même si la pièce est beaucoup jouée : tout est dans la parole, dans l’échange de propos souvent banals et qui pourtant fait parfois surgir une vérité. Beaucoup de choses, aussi, sont dites dans les didascalies (la fameuse citation, par exemple, et je me demande comment cela peut être montré).

Ils sont comme deux inconnus qui, pourtant, se connaissent parfaitement, et en même temps, ce que la pièce met en évidence, c’est l’impossible communication entre les êtres qui s’aiment, et ce noyau chez l’autre que l’on ne peut pas, jamais, posséder.

A la lecture, on est envahi par un maëlstrom d’émotions : on est touché, ému, ravi, terrifié, parfois en colère devant le gâchis, et peut-être finalement désespéré par ce qui semble être la conclusion de l’histoire, qu’il n’y a pas d’amour heureux. Mais l’amour reste là, qui aime. Comme le dit la préface d’Arnaud Ryker :

Un homme et une femme. Ils se sont aimés, ils se sont déchirés, ils se sont quittés. Ils se revoient une dernière fois. Ils s’aiment sans doute à tout jamais. Duras nous le suggère, qui aura passé sa vie à aimer follement, à quitter, à être quittée, à vouloir quitter, à aimer dans l’impossibilité de le faire, à aimer toujours plus. Il n’y a de musique amoureuse que funèbre, de rengaine érotique qu’ironique : c’est la musica.

Cette lecture ne plaira sans doute pas à ceux qui n’aiment pas Marguerite Duras (j’en connais beaucoup). Mais pour les autres, qui ne connaîtraient pas cette pièce, foncez : c’est un petit bijou, qui montre sa connaissance parfaite de la complexité des sentiments amoureux et du cœur humain.

La Musica / La Musica Deuxième (lien affilié)
Marguerite DURAS
Folio

2 réponses à « La Musica et la Musica deuxième, de Marguerite Duras »

  1. Avatar de lizagrece
    lizagrece

    Entièrement d’accord avec toi, Je suis une inconditionnelle de Duras [hormis son texte sur Christine Villemin]

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    1. Avatar de Caroline Doudet

      Ah oui, quelle horreur ce texte, d’autant plus qu’elle avait tout faux !

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