Atlas de botanique poétique, de Francis Hallé : toutes les merveilles de la nature

Le but de cet ouvrage est de montrer que la forêt équatoriale n’est pas « l’enfer vert » qu’y ont vu trop souvent les colonisateurs et les aventuriers ; c’est, bien au contraire, un univers quelque peu magique où l’on vit fort agréablement pour peu que l’on observe avec sympathie les petites merveilles qui s’offrent au visiteur occasionnel presque à chaque pas ; il y trouvera amplement de quoi satisfaire ses exigences en matière d’esthétique, de dépaysement et de poésie.

Un de mes cadeaux de Noël, qui était d’ailleurs depuis longtemps sur ma liste, tant j’avais envie de découvrir cet ouvrage qui allie la botanique (et je suis fascinée par les plantes et les fleurs) et la poésie (je n’ai pas besoin d’épiloguer, j’imagine).

Francis Hallé est botaniste, et il nous invite dans ce joli livre que je classerai dans la catégorie album à la découverte en mots et en dessins des plantes les plus fascinantes des forêts tropicales équatoriales : des plantes exubérantes, des plantes qui s’adaptent de manière étonnante, des plantes au comportement mystérieux, des plantes qui coévoluent avec les animaux, des plantes singulières.

Quel émerveillement ! L’auteur transmet parfaitement à travers ces pages toute sa tendresse pour la flore fascinante des forêts équatoriales, et le lecteur voyage d’étonnement en étonnement : anecdotes amusantes, descriptions qui laissent admiratif, dessins colorés, cet ouvrage d’une richesse incroyable regorge d’occasions de s’extasier devant l’intelligence de la nature !

J’ai vraiment adoré, et c’est un magnifique cadeau à se faire à soi-même, ou à quelqu’un qui aime les plantes et la poésie !

Atlas de botanique poétique (lien affilié)
Francis HALLÉ
Arthaud/Flammarion, 2016

L’empreinte de toute chose, d’Elizabeth Gilbert : la transcendance

Rien de tout cela n’avait de sens pour Alma. Une bonne partie l’irritait. Cela ne lui donnait sûrement pas envie de cesser de s’alimenter, d’étudier, de parler ou de renoncer aux plaisirs du corps pour ne vivre que de soleil et de pluie. Au contraire, les écrits de Boehme lui donnaient envie de retrouver son microscope, ses mousses, les conforts du palpable et du concret. Pourquoi le monde matériel n’était-il pas suffisant pour des gens comme Jacob Bohme ? N’était-ce pas assez merveilleux, ce que l’on pouvait voir et toucher en sachant que c’était réel ?

Après avoir lu plusieurs fois Comme par magie et Mange, prie, aime, j’ai naturellement eu envie de découvrir Elizabeth Gilbert dans le registre de la fiction, et si j’ai choisi ce roman, au titre magnifique, c’est que l’autrice lui consacre quelques pages dans Comme par magie, pages qui m’ont laissée songeuse et amusée parce que je fonctionne exactement pareil : elle raconte comment, ayant emménagé dans une petite maison, elle s’est mise en tête de faire du jardinage, activité qui ne l’avait jusqu’alors jamais intéressée. Un petit caprice modeste, qu’elle choisit de suivre, et elle se met donc à planter des fleurs, puis à avoir envie de tout savoir sur ses fleurs, et notamment d’où elles venaient. Elle enquête sur le passé et l’histoire de ses fleurs, ce qui la conduit à un tour du monde botanique, et au bout de trois ans de voyages et de recherches, elle s’assoit à son bureau, prête à écrire ce roman qu’elle n’avait pas vu venir. C’est ce qu’elle appelle de la Grande Magie, Big Magic.

Et il est difficile de résumer ce roman foisonnant de plus de 800 pages. Pour faire bref, il nous raconte l’histoire d’Alma Whittaker, née avec le XIXe siècle dans une très riche famille de Philadelphie, et dont le père, après avoir voyagé sur toute la planète, a fait fortune dans le commerce des plantes. Elle-même, depuis toute petite, apprend, et comme on la laisse faire, elle devient une éminente botaniste, qui fera à la fin de sa vie une découverte stupéfiante !

Mais que j’ai aimé ce roman ! D’abord, j’ai particulièrement apprécié le mode de narration, quelque chose de primesautier et plein d’humour à la Tristram Shandy, et en même temps parfaitement tenu : certains détails auxquels on n’avait pas prêté attention sur le moment et qu’on comprend 300p plus loin, lorsqu’on les avait oubliés. L’héroïne elle-même est particulièrement attachante : une intellectuelle, forte et déterminée, et en même temps sensible. Et j’ai adoré son voyage à travers la vie et la planète et les réflexions sur le monde que propose ce roman, autour de la tension entre la pensée rationnelle et la pensée poétique, la science et la spiritualité, qui ne sont en fait opposées qu’en apparence.

Et cette idée fondamentale, qui est un des thèmes de Comme par magie : les idées révolutionnaires circulent, et peuvent s’adresser à plusieurs personnes pour les mettre au jour, lorsque leur temps est venu. Et tout cela au milieu des fleurs et des plantes !

Il y a juste une chose que je regrette dans l’histoire d’Alma (ce prénom !). Mais elle fait sens, et cela n’empêche pas ce roman d’être un véritable coup de cœur !

L’Empreinte de toute chose
Elizabeth GILBERT
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pascal Loubet
Clamann-Levy, 2013 (Livre de Poche, 2015)

Botaniste, de Marc Jeanson et Charlotte Fauve : histoire naturelle

Tout est encore à faire, ou plutôt à refaire. Il s’agit toujours de recenser l’exceptionnel, mais aussi de le retrouver, ou du moins de décrire ce qu’il en reste. L’exploration est devenue perpétuelle, nous revenons sur nos pas, sur ceux de Saint-Hilaire, sur ceux de Poivre ou d’Adanson, à la recherche de ce que nous craignons avoir perdu. Beaucoup des forêts originelles ont été détruites, beaucoup d’espèces, de paysages ont disparu. La constitution de grands ensembles protégés, de parcs nationaux ne suffit plus : fragments, résidus, cela peut paraître bien maigre par rapport à ce qui a existé. Mais dans une poche de verdure peut se cacher une grande richesse végétale, et c’est là que l’exploration, à nouveau, redevient difficile, dans ces reliquats préservés, perchés au sommet de massifs abrupts, dans les canyons inaccessibles. 

Il y a quelque temps, Anne-Solange Tardy avait parlé de ce récit dans sa merveilleuse « Pochette Surprise » (c’est sa newsletter, pleine de poésie : si vous ne connaissez pas allez vite vous abonner, c’est une bouffée d’oxygène hebdomadaire) et, comme je suis dans ma période végétale, je me suis dit que ça avait tout pour me passionner. Et j’avais raison !

Marc Jeanson est le responsable de l’herbier du Muséum national d’histoire naturelle (je ne sais pas si ce lieu se visite, mais ce doit être absolument émerveillant). Grâce à la plume délicate de Charlotte Fauve, il tisse subtilement un récit personnel, dans lequel il nous raconte son propre parcours de botaniste, et l’histoire de la discipline et de ses héros, autour de l’Herbier.

Un ouvrage poétique et lumineux, d’où jaillit tout un monde de profusion sensorielle : des goûts, des couleurs, des odeurs, des textures, des formes d’une richesse inouïe sortent des pages et s’emparent du lecteur et le prennent par la main pour le mener dans les pas des pionniers de la discipline : Adanson, Poivre, Lamarck, Linné (qui a découvert que les plantes avaient une vie sexuelle), Saint-Hilaire.

Un monde de voyages et d’exotisme, parfois dangereux, où le hasard se fait nécessité pour découvrir, collecter, classer, préserver, faire renaître, nommer comme Adam dans le jardin d’Eden, ce qu’on appelle « inventer » : quel bonheur de parcourir ces pages, de se perdre dans le foisonnement de l’Herbier qui est à l’image du foisonnement du vivant, d’aller de découverte en découverte — et se dire qu’il y en a encore tant à découvrir. Et que nous sommes bien petits dans l’immensité de cette biodiversité à préserver !

Bref un vrai coup de cœur pour ce récit : moi qui aime tant me promener dans les jardins botaniques, celui de Paris, celui de Milan, celui d’Orléans mais qui ne peut pas trop le faire en ces saisons intérieures, moi qui aime tant ramasser feuilles mortes et fleurettes pour les mettre dans un cahier qui n’est pas vraiment un herbier mais un peu quand même, bref, moi qui suis de plus en plus sensible à la poésie du végétal, j’ai aimé à la folie ce récit qui fera un parfait cadeau de Noël pour un de vos proches passionné par les plantes, ou pour vous évidemment !

Mon seul regret : peut-être que cela aurait mérité un cahier photos…

Botaniste (lien affilié)
Marc JEANSON et Charlotte FAUVE
Grasset, 2019