Atlas de botanique poétique, de Francis Hallé : toutes les merveilles de la nature

Le but de cet ouvrage est de montrer que la forêt équatoriale n’est pas « l’enfer vert » qu’y ont vu trop souvent les colonisateurs et les aventuriers ; c’est, bien au contraire, un univers quelque peu magique où l’on vit fort agréablement pour peu que l’on observe avec sympathie les petites merveilles qui s’offrent au visiteur occasionnel presque à chaque pas ; il y trouvera amplement de quoi satisfaire ses exigences en matière d’esthétique, de dépaysement et de poésie.

Un de mes cadeaux de Noël, qui était d’ailleurs depuis longtemps sur ma liste, tant j’avais envie de découvrir cet ouvrage qui allie la botanique (et je suis fascinée par les plantes et les fleurs) et la poésie (je n’ai pas besoin d’épiloguer, j’imagine).

Francis Hallé est botaniste, et il nous invite dans ce joli livre que je classerai dans la catégorie album à la découverte en mots et en dessins des plantes les plus fascinantes des forêts tropicales équatoriales : des plantes exubérantes, des plantes qui s’adaptent de manière étonnante, des plantes au comportement mystérieux, des plantes qui coévoluent avec les animaux, des plantes singulières.

Quel émerveillement ! L’auteur transmet parfaitement à travers ces pages toute sa tendresse pour la flore fascinante des forêts équatoriales, et le lecteur voyage d’étonnement en étonnement : anecdotes amusantes, descriptions qui laissent admiratif, dessins colorés, cet ouvrage d’une richesse incroyable regorge d’occasions de s’extasier devant l’intelligence de la nature !

J’ai vraiment adoré, et c’est un magnifique cadeau à se faire à soi-même, ou à quelqu’un qui aime les plantes et la poésie !

Atlas de botanique poétique (lien affilié)
Francis HALLÉ
Arthaud/Flammarion, 2016

Mes aventures végétales

L’autre jour, ma maman m’a raconté quelque chose qui m’a fort étonnée. Que lorsque j’étais petite, j’aimais tellement les fleurs et les plantes que je préférais qu’on m’en offre plutôt que des jouets et des peluches. Je n’en ai aucun souvenir. Je me souviens plutôt, pendant l’essentiel de ma vie, d’un désintérêt profond pour tout ce qui est végétal. Sauf les fleurs.

En fait, avant d’emménager dans mon appartement actuel (je vois cet événement comme une charnière dans ma vie, qui en préparait une autre qui a eu lieu la même année un peu après), je ne m’intéressais pas aux plantes, je n’en avais pas, et lorsqu’une avait le malheur de m’être offerte, elle mourait immanquablement peu après, parce que je ne m’en occupais pas, je ne l’arrosais pas, je ne lui prêtais même pas attention. Et leur présence ne m’apportait rien. J’essayais de cultiver plantes aromatiques et tomates sur mon balcon, mais ce n’est pas moi qui faisait les plants : juste j’apportais le pot, je l’installais sur le balcon, et j’essayais de penser à les arroser.

Quant à me promener dans la nature, inutile d’y songer. D’ailleurs, dès que je marchais dans l’herbe, mes jambes se couvraient de plaques rouges.

Et aujourd’hui, six ans après, il ne faut pas me lâcher dans une jardinerie. J’ai une véritable jungle urbaine que je me retiens d’agrandir, mais qui colonise une partie de mon appartement, essentiellement le salon où les plantes se plaisent beaucoup, et un peu le bureau (pas la chambre qui manque de lumière). Je fais des boutures. Je sauve des plantes mal en point. Quant au balcon, il devient année après année un temple végétal où j’ajoute petit à petit de nouvelles choses, et je prends un plaisir infini au jardinage. Cette année, j’ai planté un camélia, de nouvelles fleurs (de la camomille et des zinnias) et de nouvelles choses à manger, des fraises et des radis. Un véritable petit jardin, en attendant le jour où j’aurai trouvé ma maison. Et en été, c’est un lieu où je passe beaucoup de temps.

J’ai créé un rapport intime avec le monde végétal. Le massacre de mon sureau m’a traumatisée (il va mieux : il a de belles branches vertes, mais évidemment pas de fleurs, alors que j’aimais tant les cueillir et les cuisiner, et il ne m’apportera pas de fraîcheur cet été).

Jusqu’alors, je me disais qu’en vieillissant, on change. Mais j’ai désormais une nouvelle perspective : ce n’est pas que j’ai changé, c’est que j’ai retrouvé une part de moi que j’avais occultée pendant la plus grande partie de ma vie. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Mais c’est comme avec la peinture, le collage, les collections de coquillages : des choses que j’adorais faire quand j’étais enfant, et que j’avais oubliées.

Alors c’est peut-être ça, vieillir : non pas changer, mais retrouver l’enfant qu’on était.

Instantané : jungle urbaine

Réorganiser mon bureau a impliqué de réorganiser également deux autres pièces, le salon et la chambre, attendu que je ne voulais pas me séparer des deux tables qui me servaient de table de travail jusqu’à présent.

Commençons par le salon : j’ai dédié la première table aux plantes. J’y ai beaucoup réfléchi parce que j’avais un peu peur qu’à côté du buffet, cette deuxième table ne fasse trop lourd, et en fait, pas du tout, dans la mesure où finalement, on ne la voit plus tant que cela sous les plantes, ce qui m’a permis de continuer à jouer avec les différentes hauteurs en gardant les consoles. Cela prend même beaucoup moins de place, et j’ai pu dégager l’espace qui se trouve devant.

Là encore, je suis absolument ravie du résultat : cela donne un petit côté bohême à la pièce, et mine de rien cela change pas mal l’énergie et la circulation. Ce qui est bien le but de toute cette réorganisation de l’espace : le changement !

Instantané #109 (résurrection)

Ma monstera, ma beauté, ma fierté, a failli mourir.

Pourtant, au début du confinement, elle était magnifique, j’ai des photos qui en attestent. Et puis, soudainement, elle s’est mise à perdre toutes ses feuilles une par une. Elle avait visiblement besoin d’être rempotée, ce que j’ai fait dès que cela a été possible. Mais, hélas, elle a continué inexorablement a perdre ses feuilles, si bien qu’il ne lui en restait plus une seule. J’ai pesté, en me disant qu’on m’avait vendu une plante génétiquement modifiée programmée pour mourir a une certaine date quoi qu’on fasse. Mais je n’arrivais pas à me résoudre à la jeter.

Et j’ai eu raison car il y a quelques jours, je me suis rendu compte avec joie que ses branches étaient parsemées de minuscules pousses vertes et de promesses de feuille. Et que c’était un joli signe : de force de vie incroyable, de résilience, de renaissance. Un signe aussi que m’envoie l’Univers pour me dire que ça va aller, maintenant (je dis ça parce qu’il s’est passé d’autres choses aussi allant dans ce sens).

Et comme j’aime la philosophie végétale, je me suis dit qu’elle avait peut-être fait une dépression, traversé une nuit noire de l’âme, s’était à l’image des arbres dépouillée de toutes ses vieilles feuilles qui l’encombraient, l’empêchaient de respirer, et que maintenant dans un nouveau pot, plus grand, elle pouvait renaître à une nouvelle vie.

Et moi aussi, je peux renaître.

Un cadeau…

Début mai, pour m’occuper à la fin du confinement, j’ai fait des boutures de piléa. Parce qu’il se trouve que la (le ?) Piléa est une plante très généreuse, qui fait beaucoup de rejets. J’en avais donc quatre à prélever et à mettre en couveuse (dans un pot, pas dans l’eau parce que je trouve que le bouturage dans l’eau rend les plantes paresseuses) (j’en ai à nouveau trois qui poussent). Ce que j’ai fait.

Ce fut une joie de m’en occuper, car si elle est contente, la (le) Piléa pousse très très bien, vite, et fait constamment de nouvelles feuilles, ce qui est évidemment très gratifiant car ça donne l’impression d’être une déesse de la fertilité. Après, je ne me voyais pas garder toute la famille Piléa qui ne va pas manquer de s’agrandir encore dans le futur ; alors il existe des banques d’échange de boutures et j’aurais sans doute trouvé, mais en fait je les ai proposées sur Facebook, et quatre mamans de mon entourage se sont manifestées pour les adopter, des personnes plus ou moins proches de moi d’ailleurs et c’est ce qui me fait d’ailleurs extrêmement plaisir : donner le bébé à sa maman sera l’occasion de se voir, de se revoir, et en ce moment c’est tellement important !

Sur chaque pot, j’ai écrit le nom de la future maman (une question d’énergie), et je les ai regardées pousser.

Maintenant il est temps (avant la fin du mois de juillet) qu’elles aillent rejoindre leur future maison. C’est comme ça que le monde devient plus riche : je donne ce qui m’a été donné. Le Piléa est surnommé « plante à monnaie chinoise » : la légende dit qu’il faut enterrer une vraie pièce de monnaie au pied de la plante et qu’elle attirera spontanément la prospérité. Je trouve que c’est un beau symbole, non ?

Botaniste, de Marc Jeanson et Charlotte Fauve : histoire naturelle

Tout est encore à faire, ou plutôt à refaire. Il s’agit toujours de recenser l’exceptionnel, mais aussi de le retrouver, ou du moins de décrire ce qu’il en reste. L’exploration est devenue perpétuelle, nous revenons sur nos pas, sur ceux de Saint-Hilaire, sur ceux de Poivre ou d’Adanson, à la recherche de ce que nous craignons avoir perdu. Beaucoup des forêts originelles ont été détruites, beaucoup d’espèces, de paysages ont disparu. La constitution de grands ensembles protégés, de parcs nationaux ne suffit plus : fragments, résidus, cela peut paraître bien maigre par rapport à ce qui a existé. Mais dans une poche de verdure peut se cacher une grande richesse végétale, et c’est là que l’exploration, à nouveau, redevient difficile, dans ces reliquats préservés, perchés au sommet de massifs abrupts, dans les canyons inaccessibles. 

Il y a quelque temps, Anne-Solange Tardy avait parlé de ce récit dans sa merveilleuse « Pochette Surprise » (c’est sa newsletter, pleine de poésie : si vous ne connaissez pas allez vite vous abonner, c’est une bouffée d’oxygène hebdomadaire) et, comme je suis dans ma période végétale, je me suis dit que ça avait tout pour me passionner. Et j’avais raison !

Marc Jeanson est le responsable de l’herbier du Muséum national d’histoire naturelle (je ne sais pas si ce lieu se visite, mais ce doit être absolument émerveillant). Grâce à la plume délicate de Charlotte Fauve, il tisse subtilement un récit personnel, dans lequel il nous raconte son propre parcours de botaniste, et l’histoire de la discipline et de ses héros, autour de l’Herbier.

Un ouvrage poétique et lumineux, d’où jaillit tout un monde de profusion sensorielle : des goûts, des couleurs, des odeurs, des textures, des formes d’une richesse inouïe sortent des pages et s’emparent du lecteur et le prennent par la main pour le mener dans les pas des pionniers de la discipline : Adanson, Poivre, Lamarck, Linné (qui a découvert que les plantes avaient une vie sexuelle), Saint-Hilaire. Un monde de voyages et d’exotisme, parfois dangereux, où le hasard se fait nécessité pour découvrir, collecter, classer, préserver, faire renaître, nommer comme Adam dans le jardin d’Eden, ce qu’on appelle « inventer » : quel bonheur de parcourir ces pages, de se perdre dans le foisonnement de l’Herbier qui est à l’image du foisonnement du vivant, d’aller de découverte en découverte — et se dire qu’il y en a encore tant à découvrir. Et que nous sommes bien petits dans l’immensité de cette biodiversité à préserver !

Bref un vrai coup de cœur pour ce récit : moi qui aime tant me promener dans les jardins botaniques, celui de Paris, celui de Milan, celui d’Orléans mais qui ne peut pas trop le faire en ces saisons intérieures, moi qui aime tant ramasser feuilles mortes et fleurettes pour les mettre dans un cahier qui n’est pas vraiment un herbier mais un peu quand même, bref, moi qui suis de plus en plus sensible à la poésie du végétal, j’ai aimé à la folie ce récit qui fera un parfait cadeau de Noël pour un de vos proches passionné par les plantes, ou pour vous évidemment ! Mon seul regret : peut-être que cela aurait mérité un cahier photos…

Botaniste
Marc JEANSON et Charlotte FAUVE
Grasset, 2019

Les émotions cachées des plantes, de Didier van Cauwelaert : les végétaux ont-ils une âme ?

Mais, n’en déplaise à ces raisonneurs confondant rationalisme et a priori, l’imagination n’est pas qu’une déformation de la réalité. C’est, en l’occurrence, la capacité de concevoir une action future à partir de la perception du présent, nourrie par les enseignements de la mémoire. Quels que soient les rouages d’une telle imagination, elle me paraît à la fois la cause et la conséquence de ces « émotions cachées » des plantes, que nous allons maintenant essayer de décrypter.

Comme je l’ai déjà expliqué, dans ma vie précédente j’étais une serial killeuse de plantes ; je ne m’y intéressais absolument pas, je les trouvais jolies mais je ne m’en occupais pas plus que d’un bibelot, et elles mourraient immanquablement après un temps plus ou moins court passé chez moi. Mais les choses ont changé : depuis quelques mois, j’en ai adopté beaucoup, mon appartement est devenu une véritable jungle urbaine et je crois qu’elles se sentent bien (sauf ma maranta qui me donne du souci actuellement). Je pense qu’elles apprécient l’emplacement qui est le leur (non loin de la baie vitrée, elles profitent d’une magnifique luminosité matinale mais ne sont pas brûlées par le soleil de l’après-midi) et d’être toutes ensemble. Mais je crois qu’elles aiment surtout que je leur accorde mon attention, pas seulement en les arrosant, mais surtout en leur parlant gentiment, en les félicitant avec enthousiasme lorsqu’elles font de nouvelles pousses (du coup elles en font plein), en leur passant de la musique. Tout comme je parle aux fleurs du jardin quand je rentre le soir, et aux arbres. De fait, j’ai découvert que les plantes n’étaient pas seulement de la décorations, mais qu’elles constituaient une vraie présence, et qu’elles augmentaient mon taux vibratoire. Cela peut paraître dingue dit comme ça, mais ça ne l’est pas, et c’est pour cette raison que je voulais lire cet essai (et pas seulement à cause de son auteur).

Dans cet ouvrage, Didier van Cauwelaert s’attache donc à montrer, expériences scientifiques à l’appui, que les végétaux ne sont pas des machins inanimés, mais qu’ils peuvent faire preuve de ce qu’on pourrait appeler intelligence : ils ont conscience du danger et savent mettre en place des stratégies pour se défendre de leurs prédateurs (ce qui ne laisse pas d’être inquiétant, parce que le jour où ils en auront marre de l’humain…), ils savent utiliser la séduction et la ruse, ils sont sensibles à la flatterie et poussent mieux avec des compliments, ils peuvent faire de la transmission de pensée, ressentir de l’empathie et de la compassion, se montrer solidaires entre eux, ils utilisent un véritable langage, aiment la musique (enfin, certaines musiques), éprouvent du chagrin, n’aiment pas trop les caresses et ont, visiblement, conscience de la mort.

Tout cela est absolument passionnant : on retrouve des faits dont l’auteur avait déjà parlé dans ses Dictionnaire de l’impossible mais ici les faits sont creusés, analysés, et surtout étayés par de nombreuses expériences scientifiques qui laisseront songeurs les plus incrédules. L’idée qui se dégage de tout ça, c’est tout de même que l’humain a créé un joyeux bordel, en mettant sont nez partout, pour « aider » les plantes à mieux grandir, ne pas être malades, se défendre contre leurs prédateurs, alors qu’elles en sont tout à fait capables toutes seules ; de fait, le végétal est apparu bien avant l’homme sur la planète, et très probablement lui survivra très longtemps (en poussant un « bon débarras » de soulagement ?) lorsqu’il aura disparu. De fait, j’ai lu certains passages à mes plantes, et elles étaient tout à fait d’accord !

Les Émotions cachées des plantes
Didier van CAUWELAERT
Plon, 2018