Jacques Doucet – Yves Saint Laurent : Vivre pour l’art, à la fondation Pierre Bergé Yves Saint Laurent

Jacques Doucet et Yves Saint Laurent sont deux génies de la couture ayant révolutionné leur art. Mais ce n’est pas ce point commun qui est exploré par l’exposition qui se tient actuellement à la Fondation Pierre Bergé Yves Saint Laurent, lieu que j’affectionne particulièrement.

Ce qui est en jeu ici, c’est leur recherche de l’espace parfait et leur volonté de faire de leur maison de véritables œuvres. Collectionneurs d’art, ils ont tous deux fait de leur lieu de vie de véritables musées où les goûts, les styles et les époques se mélangent et dialoguent.

Nous pénétrons d’abord au 33 rue Saint-James, dernière demeure de Jacques Doucet, qui y habite entre 1928 et 1929, année de sa mort. Là, Doucet, qui s’est séparé de ses collections classiques en 1912, affiche son goût pour l’avant-garde , n’hésitant pas à devancer son époque et à mettre en valeur des artistes alors méconnus : Brancusi, Braque, Picasso, Modigliani, Miró, Picabia, Rousseau, Derain, Matisse, qui côtoient des pièces d’arts africains et asiatiques, et des ouvrages reliés magnifiquement par Pierre Legrain.

Vue de l’exposition « Jacques Doucet – Yves Saint Laurent, Vivre pour l’Art » à la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent © Luc Castel
Vue de l’exposition « Jacques Doucet – Yves Saint Laurent, Vivre pour l’Art » à la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent © Luc Castel

Ensuite, c’est rue de Babylone que nous sommes conviés, dans le duplex habité par Pierre Bergé et Yves Saint Laurent à partir de 1970.

Un décor éclectique, joyeux mélange de styles et d’époques où l’avant-garde côtoie l’ancien avec harmonie et bon goût : Goya, Warhol (avec la fameuse sérigraphie représentant Yves Saint Laurent et des peintures du chien Moujik), Matisse, Burne Jones, Mondrian, mais aussi de sublimes pièces d’art décoratif, des consoles et guéridons et d’immenses miroirs où l’ensemble se reflète.

Grand Salon du 55 rue de Babylone, où vécut Yves Saint Laurent de 1970 à 2008 Photographie Nicolas Mathéus
Grand Salon du 55 rue de Babylone, où vécut Yves Saint Laurent de 1970 à 2008
Photographie Nicolas Mathéus

Une exposition évidemment magnifique, qui permet d’embrasser du regard une multitude de chef d’œuvres que l’on n’a pas l’habitude de voir ensemble et qui pourtant dialoguent harmonieusement. Personnellement, je ne me verrais pas vivre dans un tel décor (j’aurais peur de m’asseoir dans le canapé), mais cela reste un régal pour les yeux et pour l’âme !

Jacques Doucet – Yves Saint Laurent : Vivre pour l’art
Fondation Pierre Bergé Yves Saint Laurent
3 rue Léonce Reynaud
75116 Paris
Jusqu’au 14 février

Yves Saint Laurent 1971 – La collection du scandale, à la fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent

Ce que je veux ? Choquer les gens, les forcer à réfléchir. Ce que je fais a beaucoup de rapport avec l’art américain contemporain… Les jeunes, eux, n’ont pas de souvenirs. Yves Saint Laurent

Compte tenu de mon amour immodéré pour Yves Saint Laurent, il était évident que mes pas ne tarderaient pas à me mener à la fondation pour voir cette exposition, consacrée à l’une des collections du Maître ayant le plus marqué les esprits.

Le 29 janvier 1971, Yves Saint Laurent présente la collection dite «Libération» ou «Quarante», inspirée par la mode de ces années marquées par la guerre. Robes courtes, semelles compensées, épaules carrées, maquillage appuyé : ces références au Paris de l’Occupation font scandale. Violemment critiquée par la presse, la collection donne pourtant toute son ampleur au courant rétro qui envahira rapidement la rue et marquera un tournant dans l’histoire de la mode contemporaine, et l’exposition nous invite à jeter un œil à ces créations scandaleuses.

Dans l’écrin luxueux de la Fondation, la scénographie nous plonge dans des planches de collections géantes devant lesquelles s’exposent quelques uns des éléments de ce fameux 29 janvier : tailleurs, manteaux, ensembles pantalons, habillé, soir court, soir, les vêtements mais aussi les accessoires, les photos et les croquis de l’artiste s’offrent au regard du visiteur.

Les phrases les plus cinglantes extraites de la presse couvrent tout un pan de mur.

On assiste à tout le processus de création du modèle n°13. Une tablette numérique à feuilleter nous donne accès aux croquis originaux, échantillons de tissu, fiches de manutention.

Des vêtements sublimes, intemporels : les tissus, les coupes sont d’une grande modernité, et pour certains ont pourrait sans problème les porter demain…

Comme toujours à la Fondation, une très belle exposition : petite, mais d’une grande richesse, avec une scénographie soignée et claire. En plus, j’étais toute seule pour la visiter, j’ai donc pris un plaisir fou, même si malheureusement, les photos sont interdites…

Yves Saint Laurent 1971 – La collection du scandale
Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent
5 avenue Marceau / 3 rue Léonce Reynaud (Paris 16°, métro Alma-Marceau)
Jusqu’au 19 juillet

Kabuki, costumes du théâtre japonais

Des lieux hantés

Je n’étais pas revenue à la fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent depuis son ouverture en 2004, et une magnifique exposition sur le dialogue avec l’art. A l’époque, monsieur Saint-Laurent était encore vivant, et c’est donc avec une certaine émotion que je suis revenue dans ces lieux où son âme semble encore si présente.

A vrai dire, je n’avais pas prévu d’aller voir cette exposition jeudi, mais dans les couloirs du métro à Austerlitz mon attention a été attirée par une grande affiche annonçant son ouverture. J’aime le théâtre, j’aime les costumes, j’avais très envie de revenir à la Fondation, et je ne connais rien au Japon : autant de bonnes raisons de me rendre sur place et de bousculer mon programme, qui ne demandait que ça de toute façon !

Le Kabuki : une forme de théâtre

Le kabuki est une forme théâtrale traditionnelle qui est très populaire au Japon, et qui se compose essentiellement de chant, de danse et de jeu d’acteur. Depuis 2005, cet art appartient au « Patrimoine oral et immatériel de l’humanité » de l’UNESCO. Il est exclusivement joué par les hommes, ce qui rend donc le costume primordial, puisqu’il doit permettre de différencier au premier regard les rôles masculins et les rôles féminins.

Très codifié, il révèle également la personnalité et le statut du personnage qui le porte, puisqu’à chaque type de rôle correspond une forme, des couleurs, des symboles, des accessoires et un maquillage. De plus, la coupe du costume influe sur le jeu de l’acteur, l’obligeant à un certain type de mouvements.

Au vu du rôle essentiel du costume dans le théâtre Kabuki, il n’est donc pas incongru de lui consacrer une exposition, au contraire. Grâce à un prêt de la société japonaise Shôchiku costume, le public de la fondation peut donc découvrir une trentaine de costumes ainsi que de nombreux accessoires, encore utilisés de nos jours pour les représentations.

L’exposition propose aussi des captations de représentations, assez impressionnantes, et des œuvres graphiques.

Un voyage au pays des costumes de théâtre

L’exposition en elle-même se divise en trois parties : la première regroupe les costumes de cinq des pièces les plus emblématiques et les plus connues du répertoire (avec notamment un impressionnant kimono à manches très larges, installé sur un plateau tournant, qui m’a laissée bouche bée). La seconde est consacrée aux costumes de danse. La troisième enfin est consacrée aux pièces les plus anciennes, qui ne sont plus utilisées aujourd’hui.

J’ai été très favorablement impressionnée par cette exposition, grâce à laquelle j’ai appris beaucoup de choses sur le Japon et l’univers du Kabuki. Evidemment, la surface d’exposition de la fondation n’étant pas immense, cela limite les possibilités scénographiques et perturbe un peu le plaisir lorsqu’il y a du monde, mais c’est vraiment une exposition très intéressante et esthétiquement admirable, que je vous conseille vraiment.

Malheureusement, les photos sont interdites à l’intérieur.

Kabuki. Costumes du théâtre japonais
Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent
5 avenue Marceau / 3 rue Léonce Reynaud (Paris 16°, métro Alma-Marceau)
Du 7 mars au 15 juillet 2012